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25 avril 2024
Auteurs et autrices : Natan Leverrier, Victoire Ravillon

Le parc immobilier de l’État fait-il sa part ?

Les messages clés 

  • Le parc immobilier public français est un parc important en volume, 10% des mètres carrés du parc immobilier.
  • Sa performance énergie carbone actuelle est relativement mal connue.
  • Ce parc est soumis aux mêmes objectifs énergie et carbone que le parc privé mais un retard important existe dans sa mise en action : aucun plan stratégique d’ampleur n’existe, alors qu’il y a urgence à se transformer radicalement.
  • Le rôle d’exemplarité de l’État auprès des collectivités et du secteur privé est questionné : face au « mur d’investissement » qui s’annonce pour la rénovation, la stratégie de réduction de la taille du parc immobilier de l’État ne doit pas devenir une stratégie de désengagement de l’État face à cet enjeu.

Introduction – contexte 

Le parc immobilier français se trouve aujourd’hui face à un défi d’une ampleur sans précédent : réussir à décarboner l’entièreté du parc tertiaire et résidentiel en 2050, avec un jalon intermédiaire de -49% d’émissions de GES en 2030 par rapport à 2015. 

Pour cela, un rythme de 500 000 rénovations par an devait être tenu[1]. Des écarts importants tant sur le rythme que sur la performance énergétique des rénovations au regard des objectifs fixés expliquent aujourd’hui un risque réel de ne pas tenir les objectifs nationaux et européens d'ici 2030. 

Avec le Décret tertiaire (DEET) et la loi sur l’interdiction de ventes et de locations des passoires thermiques[2], les entreprises et les particuliers sont soumis à des contraintes et injonctions à décarboner leur parc immobilier.

Ces mêmes réglementations s’appliquent au parc immobilier de l’État, en majorité tertiaire, qui semble s’engager difficilement dans une transformation pourtant nécessaire.   

En décembre dernier, la Cour des comptes sortait un rapport sur « la politique immobilière de l’État - une réforme nécessaire pour aborder les enjeux à venir »[3], livrant un état des lieux du parc immobilier d’État et des recommandations pour réussir sa transition énergétique.

Ce bilan interroge sur la place du parc public dans le paysage immobilier français et de son rôle dans la stratégie de décarbonation complète du parc français. Dans cet article, Carbone 4 synthétise l’état des lieux, les enjeux et les perspectives spécifiques à ce parc.

Quelle est la part du parc immobilier de l’État ?

Le parc immobilier public représente au total 380 millions de mètres carrés[4], soit environ 10% du parc français dans son ensemble, qui mesure environ 3,66 milliards de mètres carrés, tertiaire et résidentiel confondu[5]

Il se découpe entre le parc de bâtiments liés à l’État (25% du parc), aux communes (29% du parc), aux départements et aux régions (46% du parc). 

Le rapport de la Cour des comptes analyse spécifiquement le parc de l’État, qui représente 94,4 millions de mètres carrés pour 192 550 bâtiments. La place de ce parc d’État est importante si on le compare aux acteurs du secteur privé (foncières) ou aux autres pays européens (60 millions de mètres carrés pour l’Allemagne, 12 millions pour les Pays Bas, 6 et 7 millions pour la Finlande et l’Autriche)[6]
Il est également marqué par la diversité des bâtiments, à 81% tertiaire, qui le constituent :

  • Bureaux (24% du parc d’État)
  • Bâtiments d’enseignements ou de sport (21%) : bâtiments d’enseignements supérieurs, scolaires, formation, installations sportives, …
  • Bâtiments techniques (20%) : bâtiments de stockage, ateliers, scientifiques, laboratoires, … 
  • Logements (19%)
  • Bâtiments sanitaires ou sociaux (10%) : cités universitaires, enceintes et pénitentiaires, bâtiments de restauration collective, CROUS, …
  • Bâtiments culturels (4%) : musées, bibliothèques, opéras parisiens, édifices du culte, … 
  • Autres (2%) : bâtiments agricoles ou d’élevage, ouvrage d’art des réseaux et voiries, …

Un parc soumis aux mêmes objectifs que le reste du parc français 

Au regard de l’ampleur du parc public, sa décarbonation est un enjeu majeur pour l’atteinte de la neutralité carbone à 2050, celui-ci étant soumis à deux exigences de décarbonation :

Premièrement, le parc public tertiaire (81% des surfaces du parc de l’État) se voit imposer, par le DEET (Décret Eco Énergie Tertiaire), un objectif de baisse sur le parc existant à 2030 de -40% de la consommation énergétique par rapport à une année de référence antérieure à 2020, puis de -50% à 2040 et -60% à 2050. Tous les bâtiments du parc de l’État neufs ou existants dont la surface d’activité tertiaire est supérieure ou égale à 1000 mètres carrés sont concernés. 

Une exception a par ailleurs été faite pour tous les bâtiments du ministère des armées, par mesure de sécurité (déclarations des surfaces et des sites). Le ministère des Armées représente pourtant le plus important ministère en termes de surface de bâtiments de bureaux (25% des surfaces de bureaux de l’État), soit 3,4 millions de mètres carrés. 

Deuxièmement, le parc public résidentiel (19% des surfaces du parc d’État) est soumis aux obligations de rénovation qui pèsent sur les passoires thermiques, avec d’ores et déjà l’interdiction de louer les logements à forte consommation d’énergie (classés DPE G, >450 kWh/mètres carrés) depuis le 1er janvier 2023. Cette interdiction doit toucher progressivement les DPE F (2025), E (2028) et D (2034), avec en parallèle des interdictions d’augmenter les loyers de ces logements et l’obligation d’audits énergétiques pour une mise en vente. 

La rénovation des logements est un enjeu majeur pour le parc de l’État, et en particulier pour les ministères possédant les plus grandes surfaces de logements du parc, à l’instar du ministère des Armées (33% de la surface des logements[7]). Les audits réalisés sur cette portion du parc semblent révéler une performance énergétique moins bonne que la moyenne du parc français (32% classés F ou G contre 22% à l’échelle nationale), ainsi qu’une moins bonne performance carbone (48% classés en F ou G contre 20% au niveau national)[8][9]

Un parc en retard sur ses objectifs : les freins identifiés 

À l’heure où l’État devrait amorcer la transformation de son parc pour respecter les premiers jalons de 2030, dans 6 ans seulement, il n’en est pour l’instant qu’à une phase d’identification de l’état de son parc et de déclaration des surfaces.

Ce que relève le rapport de la Cour des comptes est le manque d’informations sur l’état actuel du parc, pour lequel des fiches de suivi des bâtiments n’existent uniquement que pour 2/3 d’entre eux et sont complètes uniquement pour une minorité. 

Cette première étape obligatoire, fondamentale pour déployer des mesures de décarbonation et suivre leur évolution, ne couvrait, à l’été 2023, que 20% à 30% des surfaces concernées par le Décret Tertiaire (DEET). 

La Cour des comptes note le retard pris par l’État pendant dix ans, laissant s’accumuler les règlementations. Elle insiste sur le besoin de cette première étape d’information et de données avant de pouvoir formuler une trajectoire et une stratégie formalisée de rénovation et d’adaptation au changement climatique pour respecter les objectifs obligatoires fixés par le DEET[10]

Ce manque de stratégie immobilière formalisée s’accompagne d’un manque d’outils de gouvernance pour piloter cette stratégie (tableau de bord, suivi des évolution) pourtant recommandés par le Conseil de l’immobilier de l’État.  

À cela s’ajoute des problèmes liés au « mur d’investissement » nécessaires pour entamer cette transition, estimé entre 140 et 150 Md€ à l’horizon 2050 par le Cerema ainsi que des besoins techniques et de structuration de la filière de rénovation qui ralentissent déjà dangereusement les rénovations sur le marché privé. De nombreuses stratégies sont disponibles pour accélérer cette transition[11] : sur le problème crucial du financement, des propositions sont disponibles pour éviter de peser sur la dette publique[12].

Le rôle stratégique de l’État

Le rôle de l’État est d’autant plus important dans la planification d’une stratégie immobilière de son parc qu’il occupe plusieurs fonctions : il est à la fois occupant (pour des bâtiments qu’ils possèdent ou non) et gestionnaire (pour des bâtiments qu’ils possèdent ou non). Il occupe ainsi 60% de ce parc et serait propriétaire de 77% des ces bâtiments qu’il occupe[13]

Une responsabilité forte pèse alors sur l’État pour les bâtiments qu’il occupe et exploite (bureaux, casernes et logements liés aux ministères, ...), qu’il soit propriétaire ou non.

Une responsabilité d’autant plus forte pour tous les bâtiments dont il est propriétaire et qu’il loue ou met à disposition gratuitement aux collectivités territoriales - régions, départements, communes – (par exemple : des universités, CROUS, grandes écoles, recherches, établissements culturels, collèges, lycées,…) est à considérer : l’État peut notamment avoir un rôle pour permettre doter au plus vite ces services d’outils et de trajectoires de décarbonation. 

L'État peut endosser un rôle d'exemplarité dans la décarbonation du parc immobilier français. En identifiant et appliquant des solutions bas carbone pour ses propres bâtiments, l'État ne se limite pas à donner l'exemple pour des projets similaires, mais contribue également, à travers les moyens mobilisés, à la structuration et au développement du secteur de la rénovation énergétique en France.

La politique de l'État, qui vise à réduire son parc immobilier de 30%, présente un risque majeur. Sans rénovation préalable de ces surfaces, ou sans fournir aux nouveaux propriétaires privés les outils et les moyens nécessaires pour ces rénovations, cela pourrait s'apparenter à un désengagement de l'État dans la mise à niveau du parc immobilier français.
Pour assurer sa responsabilité vis-à-vis de ces surfaces cédées, l’État pourrait se fixer un cadre et une performance énergétique et/ou carbone sur les surfaces avant cession : sous la forme d’une valeur d’étiquette DPE par exemple, ou d’alignement aux performances nécessaire du Décret Tertiaire.

Les outils d’une trajectoire carbone ambitieuse

Carbone 4 apporte son expertise à tous les acteurs du secteur du BTP et de l’immobilier pour élaborer leurs stratégies climat. 
Les outils de la stratégie climat sont particulièrement adaptés aux intervenants du parc immobilier public, tels que l'État et ses opérateurs immobiliers, les agences publiques, les collectivités, les sociétés d'économie mixte, entre autres. 
Ils permettent :

  • D'établir une comptabilité énergie carbone précise et spécifique de leur parc immobilier et de leurs opérations, offrant ainsi un état des lieux clair et facilitant le suivi des performances.
  • De comprendre les ambitions et objectifs climatiques à atteindre.
  • De co-construire une trajectoire carbone en examinant les leviers d'action disponibles et en évaluant les financements nécessaires.

Pour toute demande, contactez-nous.


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