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8 février 2023
Auteurs et autrices : Clément Mallet

Bonne résolution 2023 : comprendre le Paquet Climat européen

Quotas carbone pour le transport routier, fin des ventes de véhicules thermiques, taxe carbone aux frontières, fonds social pour le climat, etc. Les annonces venant de Bruxelles sur le sujet du climat se succèdent depuis plusieurs mois. Toutes ou presque découlent d’un groupe de textes, le Paquet Climat, lancé il y a plus d’un an par la Commission Européenne. C’est probablement LE paquet législatif le plus important de ces dernières années sur le climat, et il est difficile d’en suivre le fil.
C’est pourquoi nous vous proposons un décryptage des mesures les plus significatives et de leurs conséquences pour les transports.

Le Paquet Climat, qu’est-ce que c’est ?

Le Paquet Climat, aussi appelé « Fit for 55 » est un paquet de texte législatif proposé en 2021 par la Commission Européenne avec comme objectif d’atteindre les 55% de réduction d’émission de GES en 2030 par rapport à 1990 et la neutralité carbone en 2050. On ne parle donc pas d’un seul texte, mais de 14 textes différents liés les uns aux autres. Le transport est directement ou indirectement concerné par la majorité de ces textes dont[1] :

  • La réforme du système d’échange de quotas - le marché carbone européen, EU-ETS (SEQE-UE en français)
  • Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières – autrement appelée taxe carbone aux frontières ou par l’acronyme anglais CBAM qui concerne notamment l’acier et l’aluminium et impacte donc les constructeurs
  • L’initiative FuelEU Maritime
  • L’initiative REFuelEU Aviation
  • La révision du règlement AFIR sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs, et notamment les bornes de recharge
  • Les normes d'émissions de CO2 pour les voitures et les véhicules utilitaires légers
  • La révision de la directive sur la taxation de l'énergie
  • Le fonds social pour le climat
  • Le règlement sur la répartition de l’effort

Est-il déjà validé ?

Étant donné qu’il s’agit non pas d’un seul texte, mais de plusieurs, le calendrier varie pour chaque proposition ou sous-groupe de propositions. Pour le moment, aucun des textes du paquet Fit for 55 n’a été formellement adopté, c’est-à-dire entériné à la fois par le Parlement et le Conseil. Des étapes clés du processus législatif ont toutefois été franchies avec notamment des accords préalables trouvés lors des négociations entre les représentants des différentes institutions (les « trilogues ») sur la plupart des propositions, ce qui permet une meilleure vision de ce vaste chantier législatif. Certains des textes clés comme sur le marché carbone devraient être définitivement adoptés dès début 2023.

Quels impacts les plus significatifs pour le secteur des transports ?

Moins de changement qu’espéré pour l’aérien

Malgré une pression forte pour inclure les vols long-courriers, le marché carbone devrait continuer de couvrir uniquement les vols à l’intérieur de l’Espace Économique Européen, laissant de côté les vols externes à l’UE et couverts par le système CORSIA[2] moins ambitieux et contesté (voir notre article). Ce sont donc près de 60% des émissions du secteur aérien qui sont laissées de côté[3].

Quelques changements positifs sont toutefois à souligner malgré ce périmètre réduit. Les très nombreux quotas gratuits dont bénéficie le secteur depuis 2012 devraient être progressivement supprimés entre 2024 et 2026[4][5]. De même, le kérosène, jusqu’alors non taxé, pourrait l’être à un taux minimum dans le cadre de l’harmonisation de la taxation des énergies[6].  

Le Paquet Climat fait par ailleurs le choix des carburants alternatifs ou SAF (Sustainable Aviation Fuel) avec un texte encore en discussion, la REFuelEU Aviation, qui propose un taux d’incorporation minimum dans le kérosène de 2% en 2025, 5% en 2030 et 63% en 2050[7]. Cette orientation pro-SAF est confirmée par l’exclusion de ceux-ci du calcul des quotas alloués à l’aviation dans le marché carbone[8].

Point important à noter : les émissions hors-CO2, dont l’impact est au moins équivalent à celui de la combustion du kérosène, font enfin leur entrée dans le droit européen. Les compagnies aériennes devront reporter de façon obligatoire ces émissions à partir de 2025. Toutefois, reporter n’est pas agir, et la Commission se donne jusqu’à 2028 pour proposer une nouvelle réglementation en la matière.

Le maritime pleinement inclus dans le marché des quotas

Sur le maritime, les négociateurs européens ont réussi ce qu’ils n’ont pas su faire sur l’aérien. Le compromis obtenu fin novembre 2022 à Bruxelles a bien abouti à l’inclusion de tous les trajets y compris extra-communautaires dans l’EU-ETS. Alors que le secteur maritime n’était pas du tout couvert par l’EU-ETS, les trajets intra-européens seront couverts à 100% à et les trajets internationaux arrivant ou partant d’Europe seront couverts à hauteur de 50%[9].

En parallèle, la Directive FuelEU Maritime, encore en discussion vise à définir des taux de réduction d’émissions obligatoires pour les navires : 2% en 2025, 20% en 2035 et 80% en 2050[10]. Certains ont critiqué ces taux de réduction comme étant trop faibles, car ils continuent à permettre, au moins à court terme, le passage du fioul lourd au GNL (Gaz Naturel Liquéfié) alors même que le GNL n’est que très faiblement décarbonant[11].

Le transport routier impacté par deux textes clés

Le premier texte à faire beaucoup parler de lui depuis quelques mois déjà est celui sur les normes d’émissions de CO2 pour les voitures et les véhicules utilitaires légers, qui fixe l’objectif phare de fin des ventes de véhicules thermiques en 2035. Certains points qui se sont toutefois glissés dans le texte pourraient en amoindrir la portée comme une porte ouverte aux e-fuels générés à partir d’électricité verte ou encore une clause de révision du texte en 2026[12].

Autre point médiatisé : la création d’un marché carbone « ETS-Bis » pour le transport routier. 

C’était un des éléments les plus débattus du paquet législatif, mais l’accord de fin décembre a confirmé que le secteur des transports routiers sera bien inclus (avec le bâtiment) dans un marché carbone séparé du marché carbone existant. Concrètement, ce marché devrait s’appliquer à partir de 2027 ou 2028 et est assorti d’un prix maximum de 45€ la tonne. Les pays qui disposent déjà en interne d’une taxe carbone d’un montant égal ou supérieur seront exemptés. Ainsi, rien ne devrait changer pour les particuliers français, qui sont déjà soumis depuis plusieurs années à une taxe carbone de 44,9€ la tonne[13].

Des taxes… mais aussi des financements

La plupart des mesures présentées prennent la forme de taxes pour inciter les différents acteurs du transport à changer leurs pratiques. Ces taxes vont générer des revenus de plusieurs milliards d’euros qui vont être réinvestis dans la transition. Ainsi les deux fonds déjà existants :  le Fonds pour l’innovation - qui vise à soutenir des projets innovants de décarbonation - et le Fonds pour la modernisation - qui s’adresse aux pays les plus pauvres de l’UE pour moderniser leurs systèmes énergétiques et améliorer leur efficacité énergétique - voient leurs moyens augmenter. Un nouveau fonds, le Fonds social pour le Climat, est quand à lui créé pour accompagner les citoyens les plus vulnérables, entre autres via des aides directs aux ménages[14].

Une partie significative des montants transitant par ces fonds devrait donc bénéficier au secteur des transports.

Et la suite ?

Comme vu ci-dessus aucun des textes n’a été définitivement approuvé, mais cela ne saurait tarder pour les premiers d’entre eux. A court terme, on s’attend en particulier, sauf retournement de situation de dernière minute, à ce que le Parlement et le Conseil donnent leur aval formel aux textes sur le marché carbone européen[15].


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