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18 décembre 2018
Auteurs et autrices : Stéphane Amant

Faut-il renoncer à la taxe carbone ?

Par Stéphane Amant, Senior manager chez Carbone 4, responsable du pôle Mobilité   

En guise d’apaisement dans la crise des « gilets jaunes », le Président de la République a décidé d’annuler la hausse prévue de la Contribution Climat Energie (communément appelée taxe carbone) au 1er janvier 2019. Celle-ci affectait principalement les carburants routiers. Pour autant, faut-il renoncer définitivement à son augmentation ? Voire l’abandonner sans autre forme de procès ? Rappelons qu’il faut absolument éviter un réchauffement global supérieur à +2°C pour limiter les impacts du changement climatique sur nos sociétés humaines. 

A titre illustratif, il est très probable qu’à +4 ou 5°C de hausse, une très grande partie de l’Europe de l’Ouest (dont l’Occitanie où je vis) n’offrirait plus des conditions de vie acceptables pour la majorité de la population, du fait des bouleversements affectant l’agriculture, la santé, la disponibilité de l’eau, les mouvements migratoires, etc. C’est donc à titre préventif pour nous et les prochaines générations que l’Humanité doit se débarrasser presque intégralement des énergies fossiles en quelques dizaines d’années, et si possible avant 2050. Or nos transports sont dépendants à 95% du pétrole … ce qui signifie d’une certaine manière que nous sommes collectivement hautement dépendants à une forme d’énergie qui représente une vraie menace à moyen et long-terme. Un peu comme une drogue dure, finalement. Pour parvenir à relever ce défi, plusieurs leviers devront être actionnés et pas seulement la fiscalité évidemment (réglementaires, technologiques, économiques, organisationnels, etc.). A l’inverse, il serait naïf de penser que cette sortie du pétrole pourrait se faire dans ces délais sans que cela se répercute à un moment ou à un autre sur son prix. 

Dans le domaine du changement des comportements, on peut sans doute le déplorer, mais l’un des moyens les plus efficaces de transformation passe en effet par là : sans signal envoyé sur le prix, l’histoire économique montre que la très grande majorité de la population n’adapte pas son comportement. Seule une minorité plus sensible accepte de le faire par elle-même. Pour se désintoxiquer collectivement d’une drogue dure, il faut donc en toute bonne logique accepter qu’elle soit de plus en plus chère. C’est tout l’objet de la fiscalité carbone ! Parce qu’elle vise justement à protéger les générations actuelles et futures, le débat devrait donc porter prioritairement sur l’utilisation des recettes qu’elle génère et non sur son bien-fondé. Et au-delà, sur l’ensemble de la fiscalité: il est parfaitement possible de donner une place plus importante à la fiscalité écologique (qui cherche à dissuader les pratiques les plus néfastes pour la collectivité) tout en réduisant le poids global de la fiscalité pour les ménages (sur le travail, sur le logement, etc.). En résumé, ne nous trompons pas de combat: la fiscalité carbone est un instrument essentiel de la transition. En acceptant de la payer, nous consentons en quelque sorte à financer une police d’assurance contre les effets les plus graves du changement climatique. En revanche, elle a besoin d’être complétée par des dispositifs d’accompagnement pour les personnes dépendantes les plus fragiles, afin de ne pas renforcer les inégalités sociales. Politiques climatiques et politiques sociales doivent être pensées de concert, et pas l’une contre l’autre.   

Stéphane Amant, Senior manager chez Carbone 4, responsable du pôle Mobilité


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