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26 février 2020
Auteurs et autrices : Nicolas Meunier

Législation sur le climat de chaque côté du Rhin : des actions qui vont dans le bon sens mais encore très timides

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Par Nicolas Meunier – Consultant

Avec le début de l’année 2020, deux nouvelles lois ayant des conséquences sur l’action climatique entrent en vigueur à la fois en France et en Allemagne. En France, il s’agit de la Loi de finances pour 2020 [1]. Parmi les nombreuses mesures votées, nous détaillons ci-dessous quelques-unes dans le domaine de la mobilité

Dans le secteur maritime, commençons par citer celle visant à soutenir l’achat de bateaux fonctionnant aux énergies alternatives. Il s’agit d’un avantage fiscal, un mécanisme de suramortissement, afin de favoriser les énergies comme l’hydrogène, le gaz naturel liquéfié ou encore l’électricité. Dans l’aérien, l’écotaxe proposée lors du 2ème Conseil de Défense Écologique a été intégrée sans modifications dans la taxe de solidarité sur les billets d’avion, dite « taxe Chirac », déjà existante. Cette écotaxe s’applique donc à l’ensemble des vols au départ de la France, excepté vers l’Outre-mer et la Corse, avec des montants allant de 1,5€ à 18€, et servira à financer l'AFITF (Agence de Financements des Infrastructures du Transport Français). Si cette taxe va dans le bon sens, on pourra néanmoins observer que les montants sont les plus faibles parmi les 9 pays européens souhaitant adopter une écotaxe, et notamment bien moindre qu’en Allemagne (entre 10€ et 59€ à partir d’avril 2020) [2]. Taxes aériennes liées au changement climatique en Europe : 

PaysMontantApplication
Autriche3,5€ - 17,5€En place
FinlandeEncore indéfiniProposé
France1,5€ - 18€En place
Allemagne10€ - 59€Proposé
Pays-Bas7,5€ à partir de 2021Proposé
Norvège8,71 €En place
Suède5,85€ - 39€En place
Suisse28€ - 112€Proposé
Royaume-Uni15€ - 175€En place

Source : Green Air – ATAG (Air Transport Action Group)   

Enfin, pour le secteur routier, il y a deux mesures phares, la première étant la diminution de l’avantage fiscal sur le gazole pour les transporteurs routiers. La Loi de finances 2020 baisse de deux centimes d’euros par litre la réduction de la TICPE pour le gazole des transporteurs de plus de 7,5 tonnes. Là aussi, les recettes supplémentaires seront affectées à l’AFITF afin que le secteur participe au financement des routes nationales. La deuxième mesure concerne le durcissement du bonus-malus automobile. Un malus de 50€ à 20 000€ s’appliquera aux voitures ayant des émissions supérieures à 110 gCO2/km (138 gCO2/km avec la norme WLTP, considérée comme plus représentative des émissions en conditions réelles de circulation, qui sera utilisée à partir de mars 2020), et un bonus jusqu’à 6 000€ pour les véhicules électriques émettant moins de 20 gCO2/km. De l’autre côté du Rhin, l’Allemagne a adopté après des mois de négociations son plan climat [3]. Concrètement, il s'agit de diminuer de 55% les émissions de gaz à effet de serre de l'Allemagne d'ici à 2030 par rapport à leur niveau de 1990. En matière de transports, le plan s’appuie notamment sur ses réseaux ferrés. En effet, avec un facteur d’émission 13 à 65 gCO2/p.km, même avec son mix électrique plus carboné que la France, le rail allemand surpasse largement la voiture et l’avion en termes de performance climatique [4]. Le gouvernement promet d’accélérer ses investissements d'ici à 2030 pour la rénovation du réseau ferré, et baisse la TVA sur les trains de 19% à 7% [5]. En France, le transport ferroviaire bénéficie déjà d’une TVA réduite à 10%, comme tous les autres modes de transports nationaux (aérien, routier), sachant que cette TVA a quasiment doublé depuis 2011 (5,5%) [6]. 

Peut-être que la France pourrait suivre l’exemple allemand ? Sur le plan de la mobilité, l’Allemagne semble donc plutôt s’orienter vers des mesures incitatives vers les transports peu carbonés, alors que la France a surtout mis en place des mesures dissuasives au sujet des transports très carbonés : deux approches différentes pour le même objectif de la transition climatique. Bien que positifs du point de vue du climat et appelant à des mesures d’accompagnement pour la transition des secteurs concernés, les annonces de ces deux plans climat demeurent très timorées, et ne sont certainement pas à la hauteur des vœux de la nouvelle année d’Angela Merkel qui souhaite « faire tout ce qui est humainement possible pour surmonter ce défi humain » [7]. Est-ce que l’implémentation du Green New Deal européen, au-delà des annonces déjà faites, sera vecteur de plus d’ambitions ?   


Sources : [1] Actu Environnement [2] Green Air [3] Connaissance des Énergies [4] Pro-Rail Alliance [5] France TV Info [6] Mobilités Magazine [7] Ouest France