Nouvelle étude NewClimate Institute : les entreprises encore très loin du compte en matière d’ambition climat

Résumé de l’étude

Note: Cette section est essentiellement une traduction de leur executive summary.

Ces entreprises, qui représentent 4% des émissions mondiales, ont la particularité de s'autoproclamer "leaders" en matière de climat. En tant que potentiels modèles à suivre pour de nombreuses entreprises autour du monde, il a semblé essentiel aux deux think tanks de s'assurer de leur plus haut degré d’intégrité.

Sur les 24 entreprises analysées, 15 se sont dotées de stratégies d'intégrité jugées "faibles" à "très faibles".

Insuffisance alarmante des objectifs 2030

Le rapport NewClimate / Carbon Market Watch déplore le manque d’ambition et de fiabilité des objectifs des entreprises à l’horizon 2030. La plupart des objectifs ne concernent qu’une partie limitée de leurs émissions de scope 1+2+3. Certains autres, qui mélangent de manière trompeuse les réductions d’émissions et la compensation carbone pour parvenir à l’objectif, sont illisibles.

Mais le plus gênant en ce qui concerne ces objectifs 2030 est que très peu se traduisent par de réelles baisses d’émissions. Alors que le GIEC requiert de réduire nos émissions mondiales de l’ordre de 43% à 48% d’ici 2030, les 22 entreprises dotées d’un objectif 2030 prévoient en moyenne de réduire de 15% à 21% leurs émissions absolues sur la période.

Objectifs net zéro : un flou persistant ; seule une minorité d’entreprises s’engagent de manière crédible

Bien que la totalité des 24 entreprises analysées se soit engagée sur un objectif “net zéro”, seules 5 s’engagent réellement sur une trajectoire de décarbonation profonde - c’est-à-dire équivalente à une baisse absolue de 90% de leurs émissions. La faute à l’ambiguïté inhérente aux allégations de neutralité carbone qui, en mélangeant plusieurs leviers de nature différente (réduction d’émissions, compensation, recours à des technologies immatures, etc.), entretiennent un flou sur la réelle ambition de transformation de l’entreprise. Au total, la réduction absolue attendue pour ces 24 entreprises se situerait en moyenne autour de -36%, là où la norme devrait se situer vers -90%.

La compensation carbone doit urgemment opérer sa mue vers le modèle de contribution

L’approche de contribution dans les claims des entreprises, c’est-à-dire l’utilisation de la finance carbone non plus comme un moyen d’annuler ses émissions, mais comme une manière de montrer sa contribution à l’accélération de la transition planétaire, a connu un développement significatif en 2022 (création d’une “mitigation contribution” dans l’Article 6.4 de l’Accord de Paris à la COP27, abandon de certains opérateurs de compensation des labels de “neutralité carbone”, etc.). Or, le monde des multinationales ne semble pas avoir encore pris le pli de ce changement : seules 4 des 24 entreprises ont reporté des activités pouvant s’apparenter à ce type de modèle.

Une analyse robuste et alarmante

Le sérieux de la méthodologie suivie par NewClimate Institute et Carbon Market Watch peut difficilement être mise en doute. Leurs critères semblent tout à fait en ligne avec ceux préconisés par la Net Zero Initiative et sont réparties en 4 grandes catégories :

• Suivi et transparence des émissions :
  • Historique des émissions
  • Découpage par scopes et types de gaz
• Fixation d’objectifs précis et étayés
  • Objectifs de court et moyen terme
  • Objectifs de long terme
• Existence de mesures de réduction
  • Mesures de décarbonation pure
  • Mesures liées à l’achat d’énergie renouvelable
• Contributions climat et compensation
  • Financement de la réduction des émissions hors chaîne de valeur, sans proclamer l’annulation des émissions de l’entreprise par ce biais
  • Recours à la compensation et intégrité des claims associés

Pour s’aligner totalement avec NZI, le seul critère pouvant être ajouté à cette liste serait celui des émissions évitées par les produits et services, afin de déterminer dans quelle mesure les entreprises se placent comme des pourvoyeuses de solutions pour la transition.

Au total, la grille de lecture proposée par les deux think tanks est très en ligne avec le référentiel Net Zero Initiative, auquel au moins deux auteurs du rapport, Thomas Day et Carsten Warnecke, ont contribué en tant qu’experts du conseil scientifique en 2021.

Ce rapport est une preuve supplémentaire que le secteur privé est très loin du compte en matière d’ambition climat. Si nous étions déjà sûrs d’une chose, c’est que les promesses n’engagent que ceux qui les croient ; ce rapport nous montre hélas que les promesses elles-mêmes ne sont pas à la hauteur.