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12 juin 2019
Auteurs et autrices : Rodrigo Baranna

Le nouveau règlement européen qui impose des limites aux émissions de GES aux constructeurs de poids lourds

Cet article a initialement été publié dans notre newsletter Décryptage Mobilité. Pour recevoir par mail les prochains articles dès leur publication, abonnez-vous dès maintenant. Par Rodrigo Baranna, Consultant 

Le Parlement Européen a approuvé en avril un nouveau règlement portant sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur des transports. Il s’agit de la 1ère réglementation imposant des limites d’émissions de CO2 aux poids lourds (PL) neufs vendus dans l’Union Européenne. Une vraie nouveauté car jusqu’à présent les PL n’étaient soumis qu’à des contraintes sur les émissions de polluants locaux à travers les normes Euro (Euro 0 à VI) qui concernent des polluants comme les oxydec d’azote (NOx), le monoxyde de carbone (CO) et les particules fines. Homologue à la réglementation européenne du type CAFE (Corporate Average Fuel Economy) applicable aux véhicules particuliers neufs et utilitaires, le nouveau règlement impose des niveaux de réduction des émissions des GES aux constructeurs de poids lourds. 

Le texte approuvé par le Parlement prévoit une réduction de l’intensité carbone (en g CO2e / t.km) des véhicules neufs de 15% d’ici 2025 et de 30% à l’horizon 2030 [1]. Cette dernière ambition sera réévaluée lors d’une révision prévue pour 2022. Selon l’ONG Transport & Environment, l’importance de cette décision repose principalement sur son caractère pionnier dans le secteur des PL plutôt que sur son ambition qui serait loin d’être compatible avec l’Accord de Paris [2]. Pourtant, dans le contexte français, l’objectif de réduction de 30% à l’horizon 2030 est bien aligné avec la dernière Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC). En effet, la SNBC vise également une réduction de l’ordre de 30% de l’intensité carbone moyenne des poids lourds neufs à l’horizon 2030. Cependant, l’année de référence de la SNBC n’est pas 2019 comme pour le règlement européen, mais 2015. En considérant une trajectoire linéaire entre 2015 et 2030, la réduction entre 2019 et 2030 serait d’un peu plus de 20% selon la SNBC. Le texte voté par le Parlement Européen s’avère ainsi plus ambitieux que l’objectif français. Dans un premier temps, seuls les segments suivants seront concernés par la nouvelle réglementation : les camions porteurs ou tracteurs routiers, de configuration d’essieux 4x2 ou 6x2 et de plus de 16 tonnes de charge technique admissible. La révision de 2022 devra étendre le périmètre aux autres catégories de PL, telles que les bus, les autocars, les caravanes et les camions de plus petite taille. L’exception portera sur les véhicules professionnels (par exemple : construction, collecte des ordures ménagères, etc.), qui resteront exempts des limites établies. À l’instar de la réglementation CAFE, les limites sont applicables à la moyenne d’émissions de tous les véhicules neufs vendus sur une année par constructeur. 

Une autre similitude entre les deux réglementations est la promotion des véhicules à zéro et faibles émissions par la mise en place des bonus proportionnels à leurs parts de ventes. Dans le cas des PL, les véhicules zéro et faibles émissions sont définis par leurs niveaux d’émissions : moins de 1g CO2e / km pour le premier et moins de 50% de la moyenne du segment sur la période de référence pour le second. Néanmoins, les deux réglementations divergent sur certains points méthodologiques. Au lieu de la correction de la valeur cible proportionnellement à la masse du véhicule pour la CAFE, le règlement pour les PL se base sur une catégorisation par segment. Contrairement à la réglementation CAFE, les objectifs de réduction du nouveau règlement évoluent également de manière linéaire entre les différents jalons définis. En outre, les PL seront soumis à une comptabilité différente de celles de véhicules particuliers. La nouvelle réglementation prévoit un schéma de crédits et dettes d’émission intra-constructeurs transposables d’une année à l’autre, en respectant la limite de 5% de l’objectif du constructeur pour la dette d’émission. En revanche, l’échange de ces crédits entre constructeurs n’est pas permis, évitant ainsi la création d’un marché de crédits spécifique au secteur. Il est important de souligner que les crédits et dettes d’émission ne sont pas applicables à la dernière année (2030), quand chaque constructeur devra avoir atteint l’objectif de 30% de réduction. 

À partir de 2025, le dépassement des limites d’émission, après la prise en compte des crédits et de la dette autorisée, sera pénalisé par une amende à la hauteur de 4 250€ par gCO2e / t.km excédentaire, cette valeur multipliée par le nombre total de véhicules neufs vendus par le constructeur sur l’année considérée. Le barème d’amende augmentera pour atteindre 6 800€ par gCO2e / t.km en 2030. À titre d’exemple, en 2017, plus de 50 000 nouvelles immatriculations de PL ont été réalisées en France [3]. En supposant un dépassement moyen de 1 gCO2e / t.km, les constructeurs présents sur le territoire français auraient dû débourser plus de 210 millions d’euros. Le règlement doit encore passer par l’approbation du Conseil des Ministres des États Membres et attendre sa publication sur le Journal Official de l’Union avant d’entrer en vigueur. 

 

Sources: [1] Parlement Européen [2] Transport & Environment [3] Comité National Routier


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