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21 novembre 2025
Auteurs et autrices : Anna Ramos, Mélodie Pitre, Alexandre Joly

Louer plutôt qu'acheter, est-ce toujours positif pour le climat ?

Cet article s'inscrit dans une série de productions sur le thème de l'économie circulaire, incluant un premier article sur le champ d'application de ce concept ainsi qu'un troisième à venir sur le thème de la réparation.


Des antagonismes existent entre l’économie circulaire et le climat. Il faut alors définir les conditions de pertinence permettant de générer des co-bénéfices. C’est le cas de la location. Pour cela, nous prendrons comme objet d’étude l’appareil à raclette. Il égaie de nombreuses soirées hivernales mais le reste du temps, il encombre nos placards. Ne vaudrait-il pas mieux le louer ?

Les émissions à considérer pour comparer achat et location 

Les émissions carbone liées à la location sont les suivantes :

  • L’appareil est fabriqué puis livré au magasin.
  • Ensuite, l’utilisateur fait deux allers-retours au magasin (un pour aller chercher le produit, l’autre pour le rendre).
  • Entre les deux, le produit a consommé de l’électricité lors de son utilisation.
  • Ce cycle est répété autant de fois que le produit est loué. Dans le cadre de notre étude, l’appareil est considéré loué 130 fois sur sa durée de vie.
  • Une fois que le produit n’est plus louable, celui-ci peut être jeté, recyclé, ou encore donné ou vendu s'il reste fonctionnel.

Les émissions de la location vont être comparées à celles d’un achat neuf.

Le cycle de vie d’un produit acheté est le suivant :

  • Les émissions de fabrication et de fin de vie sont similaires à celles considérées pour un produit en location.
  • Logistiquement, seul un aller-retour est nécessaire au consommateur pour réaliser son achat.
  • Le produit est globalement moins utilisé qu’un produit en location.

Comparons les émissions d’achat et de location du point de vue de l’utilisateur de l’appareil à raclette dans 2 cas : 

  • Il utilise l’appareil 1 seule fois dans sa vie
  • Le cas standard en cas d’achat : il utilise l’appareil à raclette 55 fois[1].

Pour commencer, étudions le cas où le transport pour acheter ou louer l’appareil est réalisé en voiture (environ 10 km/aller).

Dans le cas standard de 55 utilisations de l’appareil, si la location permet effectivement de réduire par plus de deux l’impact de la fabrication et par la même occasion de limiter l’extraction de nouvelles ressources à périmètre équivalent, l’impact généré par le transport en voiture rend la location délétère d’un point de vue carbone. Nous voilà face au premier antagonisme entre économie circulaire et climat.

Face à ce constat, l’enjeu est d’identifier les conditions de pertinence dans lesquelles le recours à la location, en plus d’être un atout pour les ressources, devient bénéfique pour le climat. 

Nous venons d’étudier le cas standard de 55 utilisations sur la durée de vie d’un achat. Mais si l’appareil est moins utilisé, le poids des émissions de fabrication par utilisation est alors plus élevé et peut surpasser les émissions liées aux déplacements en voiture de la location. Ainsi dès lors que l’on utilise moins de 3 fois l’appareil sur l’ensemble de la durée de vie, la location génère moins d’émissions que l’achat.

Quant à la distance en dessous de laquelle le trajet en voiture (thermique ou électrique) reste rentable d’un point de vue carbone pour 55 locations, il faut que la distance soit inférieure à 400 mètres ; ce qui semble peu réaliste dans l’usage classique d’une voiture.

A ce stade, nous faisons les constats suivants : lorsque le transport associé à la location se fait en voiture, celle-ci présente un antagonisme pour le climat, hormis dans le cas où l’appareil acheté n’est utilisé qu’une à deux fois sur sa durée de vie.

Prenons maintenant un autre cas d’usage, le magasin où récupérer l’appareil à raclette est accessible en bus thermiques (5km/aller).

La location reste moins bénéfique que l’achat dans le cas de 55 utilisations sur la durée de vie. En revanche, dès lors que le nombre d’utilisation est inférieur à 7 (1 utilisation environ par an), la location en bus thermique devient pertinente d’un point de vue carbone. 

Prenons un dernier cas d’usage où le transport se fait à vélo électrique.

Dans le cas du vélo, la location est pertinente quel que soit le nombre d’utilisations à l’achat car les émissions de transport sont très faibles. La conclusion est identique pour le métro / tram.

 

Conclusion

Pour que la location soit vertueuse pour le climat et les ressources, réduire les émissions de déplacement et/ou se concentrer sur les besoins très ponctuels sont clés.

La proximité avec des infrastructures de mobilité bas-carbone est un levier structurant pour les entreprises offrant des services de location mais souvent, les commerces sont situés dans des zones commerciales difficiles d’accès sans voiture. Le réaménagement urbain en faveur de la transition écologique pourrait y remédier sur le long terme.

D’ici là, éviter le déplacement via la livraison du matériel loué ou installer des casiers en libre service proche des habitants pour mutualiser les objets (à l’image de ce que fait « Les Biens en communs »[2]) peuvent être des solutions.

Aux défis logistiques, s’ajoute l’équation économique. Dans un monde où acheter des produits neufs fabriqués ailleurs coûte souvent moins cher, l’Etat se doit de soutenir les emplois locaux de la location et de valoriser les bénéfices environnementaux.


Economie circulaire
Auteurs & autrices
Portrait de Anna Ramos
Anna Ramos
Consultante
Portrait de Mélodie Pitre
Mélodie Pitre
Manager
Portrait de Alexandre Joly
Alexandre Joly
Senior Manager / Responsable de pôle