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31 octobre 2023
Auteurs et autrices : Paco Vadillo

Label bas carbone et bâtiments biosourcés

Introduction générale au Label Bas-Carbone

Quel est l’objectif du Label Bas-Carbone et comment fonctionne-t-il ?

Créé et porté par le Ministère de la Transition Écologique, le Label Bas-Carbone (LBC) a pour objectif de contribuer aux engagements climat de la France par la participation au financement de deux grands types de projets : (i) les projets d’évitement d’émissions de gaz à effet de serre et (ii)  les projets de séquestration carbone.

Pour chacun de ces deux types de projets, le label ne certifie pas les quantités absolues de carbone liées au projet mais la différence d’émissions ou de séquestration entre le scénario du projet proposé et un scénario de référence (c’est-à-dire ce qui serait arrivé en l’absence du projet).

Dans une vision pratique, ce label permet de faciliter la mise en relation de deux parties prenantes complémentaires :

  1. Des porteurs de projets à la recherche de financements pour mettre en oeuvre des projets contribuant efficacement à la lutte contre le dérèglement climatique, que ce soit par l’évitement d’émissions ou l’augmentation des capacités de séquestration ;
  2. Des financeurs cherchant à valoriser leur contribution à la lutte contre le dérèglement climatique par le financement de projets vertueux.

En effet, ce mécanisme de financement complémentaire permet au porteur de projet de développer des activités ambitieuses sur le plan de l’évitement des émissions ou de la séquestration carbone impossibles à déployer sans cet apport financier (voir critère d’additionnalité défini plus bas). Le financeur, dans le même temps, peut revendiquer une contribution quantifiée à l’évitement d’émissions ou à l’augmentation des capacités de séquestration de manière transparente et reconnue grâce à la certification du projet par le Label Bas-Carbone.

Il est à noter que le coût des émissions évitées et/ou séquestrées (€/tCO2e) n’est pas fixé dans le cadre du LBC. Il est décidé de gré à gré entre porteur de projet et financeur, la raison principale étant que la logique du label n’est pas à la constitution d’un prix de marché (comme cela peut être le cas pour d’autres systèmes de certificats) mais à un financement des projets dans leur globalité. Ce prix peut donc varier en fonction de la localisation du projet, de la méthode utilisée, des co-bénéfices générés, etc.

Conditions fondamentales à la validité d’un projet

Pour être éligible au LBC, chaque projet doit respecter cinq conditions fondamentales :

  1. Mesurabilité : les émissions évitées ou séquestrées par le projet doivent pouvoir être quantifiées, en tCO2e par une méthodologie robuste et transparente ;
  2. Vérifiabilité : l’évitement d’émissions ou la séquestration carbone permis par le projet doivent pouvoir être audités par un tiers sur la base d’une documentation suffisante ;
  3. Permanence : les émissions évitées ou séquestrées dans le cadre du projet doivent l’être de manière permanente (ou jugées équivalentes par une méthodologie robuste et transparente) ;
  4. Additionnalité : les émissions évitées ou séquestrées dans le cadre de cette certification doivent être additionnelles, c’est-à-dire qu’elles n’auraient pas pu avoir lieu sans le financement permis par le Label Bas-Carbone ;
  5. Unicité : la quantité d’émissions évitées ou séquestrées dans le cadre de la certification délivrée est unique et ne peut être détenue et utilisée que par une entité unique. Le Label Bas-Carbone doit donc assurer une transparence et une traçabilité permanentes des certificats depuis le porteur de projet jusqu’au financeur.

Par ailleurs, le LBC assure également le respect des droits de l’Homme dans le cadre du projet concerné et peut valoriser un certain de nombre de co-bénéfices sociaux, économiques et environnementaux (en particulier les impacts liés à la biodiversité).

Constat à date

À date, 13 méthodes ont été approuvées par le Ministère :

  • 3 dans le secteur forêt (boisement, reconstitution de peuplements dégradés et balivage) ;
  • 6 dans le secteur de l’agriculture (élevages bovins, haies, vergers, gestion des intrants, méthane des bovins laitiers, grandes cultures) ;
  • 2 dans le secteur du bâtiment (rénovation notamment avec réemploi, neuf avec biosourcés) ;
  • 1 dans le domaine des transports (télétravail en tiers-lieux dans les zones peu denses) ;
  • 1 dans le domaine marin (herbiers de posidonies)

De plus, une vingtaine de nouvelles méthodes sont en cours de développement dans la majorité de ces secteurs.

Au 16 octobre 2023, 748 projets ont été labellisés (d’après le site du Label Bas-Carbone, mis à jour tous les 15 jours).

À titre indicatif, ces projets affichent une première fourchette de prix moyens variant entre 8 et 125 €/tCO2e)

Description de la méthode Bâtiments neufs biosourcés

Périmètre et objectif de la méthode

La méthode s’applique aux projets de constructions neuves permanentes de plus de 500 m2 en France métropolitaine, toutes typologies confondues (résidentiel, tertiaire) hors maisons individuelles et employant une quantité significative de matériaux biosourcés. Elle peut également s’appliquer aux projet de surélévation.

L’opération doit être labellisée BBCA (ou tout autre label approuvé par la DGEC nécessitant un calcul d’empreinte carbone du bâtiment sur l’ensemble de son cycle de vie avec un niveau d’exigence équivalent ou supérieur à celui du label BBCA).

L’opération doit également surperformer sur le plan environnemental par rapport à la réglementation en vigueur et atteindre le seuil 2025 de la RE2020 pour l’indicateur Ic construction (empreinte carbone du chantier et des produits de construction et équipements mis en oeuvre).

L’objectif de cette méthode est de valoriser la quantité de carbone séquestrée sur le long terme par les matériaux biosourcés mis en oeuvre dans le bâtiment construit. Cette quantité est exprimée en tonnes de CO2 biogénique stockées, sur la base de l’indicateur stockC défini dans la RE2020. Ainsi, ne peuvent être comptabilisés que les matériaux disposant d’une fiche de déclaration environnementale et sanitaire (FDES) spécifique ou collective indiquant la valeur de stockC correspondante. De plus, il est impératif que les produits soient issus de forêts gérées durablement (FSC, PEFC) et pour les produits concernés de classe A ou A+ au sens de l’arrêté du 19 avril 2011.

Scénario de référence et justification du critère d’additionnalité

Le scénario de référence de cette méthode correspond à un stock de CO2/m2 de surface de plancher (SDP) représentatif des pratiques usuelles d’incorporation de matériaux biosourcés dans le bâtiment. Ces chiffres sont basés sur des moyennes marché passées et futures selon des scénarios notamment issus de l’étude prospective FCBA BIPE de 2019.

Le critère d’additionnalité est réputé valable dès lors qu’un projet est éligible pour cette méthode. Il n’est pas nécessaire de le prouver pour chaque projet déposé.

Pour démontrer ce critère d’additionnalité, il est nécessaire de justifier que la méthode proposée permet bien d’aller au-delà des obligations légales et des pratiques courantes ainsi que de démontrer les différents freins - notamment réglementaires et économiques - que rencontrent les porteurs de projets de constructions neuves intégrant une part significative de matériaux biosourcés :

  1. Obligations réglementaires :
    1. le critère d’éligibilité “Ic construction au moins équivalent au seuil 2025 RE2020” permet, pour le moment, d’assurer l’additionnalité sur le sujet de l’empreinte carbone matériaux (le seuil en vigueur correspondant, pour le moment, étant le seuil 2022) ;
    2. le stockage carbone (stockC) apparaît dans la réglementation RE2020 mais aucun seuil minimal n’y est défini.
  2. Freins réglementaires :
    1. la réglementation incendie appelle des justifications complémentaires pour les façades intégrant des matériaux biosourcés ;
    2. des surprimes d’assurance dommage-ouvrage ou décennale peuvent être demandées dans le cas de construction bois de belle hauteur.
  3. Freins financiers :
    1. différentes modélisations, notamment menées dans le cadre de la préfiguration de la RE2020, démontrent, en l’état, des surcoûts liés à la construction bois de l’ordre de 10 à 15% pour le résidentiel et 5% pour le tertiaire ;
    2. par ailleurs, il n’existe pas de subvention publique au développement du stockage carbone de longue durée dans les bâtiments.
  4. Autres freins :
    1. un déficit de formation aux spécificités de la construction bois/biosourcée a été relevé par plusieurs études récentes (étude prospective FCBA-BIPE, Plan Bois Construction) ;
    2. les défauts de structuration de la filière bois française ne permettent pas, à ce jour, de répondre parfaitement à la demande actuelle qui repose sur des importations massives ;
    3. il peut être difficile de justifier de la qualité et du respect des normes pour certains matériaux de construction biosourcés peu répandus ;
    4. un certain nombre de freins culturels, urbanistiques ou patrimoniaux freinent le développement de la demande en construction bois.
Scénario de référence : quantité de CO2 biogénique stockée par m2 SDP en moyenne marché. Pour un bâtiment livré entre 2015 e 2035, il convient de faire une interpolation linéaire tel que décrit dans la méthode

Remise en perspective de l’intérêt de la séquestration carbone

Intérêt dans le cadre de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC)

La séquestration carbone fait partie intégrante de la stratégie nationale de lutte contre le dérèglement climatique telle que décrite dans la SNBC. En effet, cette stratégie repose sur une diminution drastique des émissions de gaz à effet de serre de la France mais également sur un développement important des puits de carbone pour lesquels la filière forêt-bois joue un rôle majeur notamment au travers de la mise en oeuvre de matériaux biosourcés de longue durée de vie dans les bâtiments.

En effet, l’évolution du puits de carbone prévu par la SNBC repose principalement sur un accroissement du puits forestier mais surtout une direction des flux de carbone séquestré vers les produits bois à durée de vie longue (objet de la méthode LBC - bâtiments neufs biosourcés). En effet, d’après cette même SNBC : “la production de produits bois à longue durée de vie (notamment utilisés dans la construction) triple entre 2015 et 2050”.

Évolution du puits de carbone du secteur des terres par grands segments entre 2015 et 2030 (en MtCO2e). Figure issue de la synthèse du scénario de référence de la stratégie française pour l’énergie et le climat (DGEC - 01/01/2020)

Pourtant, l’enjeu principal n’est pas actuellement de réfléchir au développement de ce puits de carbone forestier mais bien d’assurer le maintien des capacités de séquestration existantes. En effet, la forêt française, pourtant en croissance en surface et en volume, a perdu 25% en capacité de stockage carbone en 2019 par rapport à 1990 et 50% par rapport à 2010. Cette dégradation du puits forestier français est principalement due à des causes structurelles de long terme largement intensifiées par le dérèglement climatique : sécheresses et stress hydrique, épidémies sanitaires, ralentissement de la croissance et augmentation des prélèvements (article https://www.carbone4.com/carbone-climat-facteurs-determinants-forets).

Il est donc urgent d’assurer un maintien puis une augmentation de ces capacités de séquestration afin de pouvoir rediriger ces flux vers des produits bois à durée de vie longue et ainsi assurer la contribution attendue à l’atteinte de l’objectif de neutralité défini par la France à horizon 2050.

Intérêt dans le cadre d’une stratégie d’entreprise

Au-delà des engagements au niveau national dans la lutte contre le dérèglement climatique, chaque entreprise peut et doit également contribuer à son échelle à l’atteinte de l’objectif de neutralité national et plus globalement planétaire. Dans la continuité de la stratégie nationale, une entreprise doit prioritairement réduire drastiquement les émissions induites par son activité sur l’ensemble de sa chaîne de valeur mais elle doit également, en tant qu’émettrice de gaz à effet de serre, contribuer au développement des puits de carbone. Ce principe de contribution au-delà de l’unique réduction de ses émissions induites est décrite en détails dans le référentiel Net Zero Initiative (lien vers NZI) et se matérialise par une matrice de triple comptabilité carbone : émissions induites, émissions évitées, séquestration.

Matrice de contribution à la neutralité planétaire pour une entreprise au travers des trois piliers : A (réduction des émissions induites), B (valorisation des émissions évitées) et C (contribution à l’augmentation des cpacités de séquestration carbone).

C’est donc au travers du Pilier C que se matérialise l’intérêt de valoriser la séquestration carbone dans le cadre d’une stratégie d’entreprise visant à contribuer à la lutte contre le dérèglement climatique et donc à l’atteinte de la neutralité planétaire. La justification de la nécessaire contribution sur les trois piliers pour toute typologie d’entreprise notamment immobilière (même sur le Pilier C pour des entreprises hors du secteur des terres) est décrite dans la documentation NZI existante (lien).

Définir une trajectoire de séquestration (Pilier C) d’entreprise cohérente

La méthode de fixation de l’objectif de séquestration (Pilier C) a été définie dans le rapport NZI de 2021 (Rapport NZI 2020-2021), cet article ne revient donc pas en détail sur cette méthode.

L’idée centrale de celle-ci est que chaque entreprise contribue au développement des puits de carbone au même rythme que le territoire dans lequel elle est implantée. Dit autrement, l’entreprise définit sa trajectoire d’absorption en utilisant le même ratio absorptions/émissions (Pilier C / Pilier A) que celui du territoire considéré. La trajectoire donne alors la dynamique de séquestration dans le temps, et le suivi des objectifs peut se faire au pas de temps annuel ou sur une fenêtre temporelle de plusieurs années (plus cohérent avec la dynamique de séquestration des puits naturels, par exemple).

Pour la France, ce ratio est calculé à partir des informations communiquées par la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC). Celle-ci définit une trajectoire de réduction des émissions de la France, d’une part, et de développement des puits de carbone nationaux d’autre part. Ce ratio vaut aujourd’hui 9% en France et doit atteindre 100% en 2050 (objectif de neutralité carbone territoriale). Le tableau ci-dessous donne des ordres de grandeur. Les valeurs pour le monde seront mises à jour courant 2023 à partir de données plus récentes.

Ratio “C/A” avec C = séquestrations (Pilier C) et A = émissions induites (Pilier A)

Différence entre reporting Pilier C et label bas-carbone pour le bâtiment

On comprend donc que, pour une entreprise, reporting séquestration et production de crédits par le biais du label bas-carbone sont deux choses distinctes. Bien que dans les deux cas, le projet entrepris permette la séquestration d’une quantité donnée de carbone, la valorisation de cette séquestration doit être unique afin d’éviter un double-compte qui pourrait fausser l’objectif global, à savoir équilibrer les émissions et les séquestrations à l’échelle mondiale (a minima, à l’échelle nationale) d’ici 2050.

Cette notion d’unicité est d’ailleurs l’une des conditions fondamentales d’attribution des crédits par la méthodologie du label bas-carbone (cf. paragraphe “conditions fondamentales à l’attribution d’un projet”). Comme on l’a vu, dans ce cas, la condition d’unicité signifie qu’une quantité de carbone séquestrée certifiée par le label ne peut être revendiquée que par un unique financeur. Mais cette condition d’unicité concerne un second point tout aussi important : le porteur de projet, s’il vend un crédit justifiant de la séquestration d’une quantité donnée de carbone grâce à son projet, ne pourra pas revendiquer cette séquestration dans son propre reporting (Pilier C tel que défini ci-dessus).

Ainsi, chaque entreprise doit participer à l’augmentation des capacités de séquestration globales, cela se traduisant par une quantité annuelle d’émissions à séquestrer proportionnelle à la quantité d’émissions induites par sa propre activité (voir paragraphe précédent “Définir une trajectoire de séquestration d’entreprise”). Pour autant, toutes les entreprises n’ont pas vocation à participer de la même manière au développement de ces puits. On comprend, par exemple, intuitivement qu’une compagnie forestière ou une coopérative agricole (désignées comme “opératrices de puits”) ont une responsabilité particulière de sauvegarde et de développement des puits qu’elles gèrent et donc la capacité de valoriser des quantités de carbone séquestré très importantes. Ces entreprises pourront donc très certainement atteindre leur objectif de séquestration (Pilier C) au travers de leurs projets “classiques” puis développer des projets de séquestration plus ambitieux nécessitant un financement extérieur, c’est là que le label bas-carbone entre en jeu.

A contrario un promoteur immobilier ne gérant aucun puits carbone “directement”, il sera plus difficile pour cet acteur de justifier d’une contribution suffisante sur le Pilier C. Pour autant, plus difficile ne signifie pas impossible. En effet, si un promoteur met en oeuvre des quantités de produits biosourcés suffisamment importantes dans l’ensemble de ses projets, on a vu précédemment que cette pratique contribue largement à la séquestration carbone sur le long terme (raison pour laquelle elle est tant plébiscitée dans le cadre de la SNBC). Ainsi, il serait possible de distinguer trois grands groupes d’acteurs de la promotion :

  1. Un premier ensemble de promoteurs pourront justifier d’une quantité de séquestration annuelle (somme de leurs projets sur l’année) à la hauteur de leur objectif sur le Pilier C. Dans ce cas, ces promoteurs respecteront leur objectif annuel de séquestration sans financement complémentaire;
  2. Une petite partie de ce premier ensemble, principalement pure players de la construction biosourcée, pourraient voir la quantité totale de carbone séquestrée dans leur portefeuille de projets annuel dépasser cet objectif grâce à des projets particulièrement exemplaires. Dans ce cas, ces promoteurs pourraient utiliser le label bas-carbone afin de financer ces projets en revendant les crédits de séquestration issus de ces opérations labellisées bas-carbone ;
  3. Un dernier ensemble de promoteurs, certainement une grande majorité aujourd’hui vouée à décroître avec le temps, ne pourront pas justifier d’une contribution suffisante sur leur Pilier C simplement par le biais des quantités de carbone séquestrées dans leurs propres projets. Dans ce cas, ces acteurs devront atteindre leur objectif (Pilier C) en finançant des projets de séquestration. Ils pourront alors, entre autre, financer les projets exemplaires labellisés bas-carbone par la seconde catégorie de promoteurs (ou d’autres projets hors immobilier ayant généré des crédits de séquestration).

Recommandations pour structurer sa stratégie Pilier C

Cette partie retranscrit certaines recommandations pour une structuration pertinente de sa stratégie Pilier C issues de la récente publication “Net Zero Inititative - Le guide pilier C” (NZI - guide Pilier C) et repositionne la production de crédits bas-carbone dans le cadre d’une stratégie de contribution à la séquestration.

Définir un objectif C/A progressif et “au juste niveau”

La méthode de fixation de l’objectif de séquestration (Pilier C) décrite plus haut mène, a minima jusqu’à 2030 à un rapport “Pilier C / Pilier A” inférieur à 20%, ce qui peut sembler contre intuitif à un certain nombre d’acteurs ayant historiquement piloté leur stratégie climat selon un concept de “compensation” (soit du “1 pour 1”). À l’inverse, NZI recommande d’éviter de se fixer un objectif plus élevé que celui proposé par la méthode C/A pour différentes raisons :

  1. Chercher à remplir un objectif plus élevé nécessiterait de mobiliser des ressources (humaines et financières) importantes qui pourraient se faire au détriment d’autres actions climat, notamment des actions de réduction des émissions, or ces dernières doivent constituer une priorité absolue de la stratégie climat des entreprises notamment immobilières ;
  2. Il est également envisageable qu’afin de réduire les coûts financiers importants associés à un objectif plus élevé, l’entreprise se tourne vers le financement de projets de séquestration à bas coût, ce qui tend à nuire à la qualité de ces projets et donc à l’objectif visé initialement. Il est ainsi plus pertinent d’allouer ces financements supplémentaires à des projets de qualité tout en respectant l’objectif fixé par la méthode du ratio C/A. Le label bas-carbone, notamment au travers des co-bénéfices peut permettre d’identifier ces projets de qualité.
  3. Enfin, le potentiel mondial de séquestration ne permettrait pas de contrebalancer les volumes très élevés d’émissions induites par l’ensemble des acteurs économiques ; trop forcer sur les objectifs de séquestration à court terme risquerait de créer une mise en concurrence des terres avec d’autres usages nécessaires à la transition bas-carbone.

Contribuer au-delà de son objectif Pilier C grâce au label bas-carbone

Considérons alors une entreprise issue de la seconde catégorie de promoteurs cités plus haut, dont le portefeuille d’activité intègre une quantité de biosourcé suffisamment importante pour atteindre son objectif annuel de séquestration défini au juste niveau et permet même de le dépasser de 30%. Dans ce cas, il est envisageable de valoriser les séquestrations complémentaires (i.e. les 30% au-delà de l’objectif C/A fixé par l’entreprise) grâce au label bas-carbone.

L’entreprise en question devra alors s’emparer du référentiel “Bâtiments neufs biosourcés” et respecter l’ensemble des conditions décrites par la méthode (rappelées dans la partie “description de la méthode” de cet article). Si des crédits peuvent effectivement être générés grâce à cette méthode, ils permettront à l’émetteur de financer les projets en question et au financeur (par exemple un promoteur de la 3ème catégorie citée plus haut) de contribuer à l’atteinte de son objectif Pilier C.

Exemple chiffré pour le Label Bas-Carbone Bâtiments neufs biosourcés

L’objet de cette dernière partie est d’illustrer l’application de la méthode Bâtiments neufs biosourcés, étape par étape avec un exemple générique.

  • Préambule :
    • Le bâtiment pris pour exemple ne correspond pas à un projet réel et intègre volontairement une quantité de matériaux biosourcés très élevée (beaucoup plus importante que les pratiques moyennes du marché observées) ;
    • Le bâtiment a été modélisé à l’aide du logiciel Vizcab, les contraintes techniques (sismicité, usage spécifique) et/ou réglementaires (incendie, urbanisme) associées n’ont pas été interrogées au-delà des capacités du logiciel.

 

  • Description succincte du projet
    • Livraison 2023, labellisation BBCA, RE2020 seuil 2028 atteint ;
    • Bâtiment résidentiel de 2000m2 SHAB sur 5 niveaux ;
    • Porteurs verticaux (façade/refends) + planchers + toiture terrasse CLT (Cross Laminated Timber) ;
    • Façade isolée par l’extérieur (laine de roche) + bardage bois ;
    • Menuiseries extérieures bois ;
    • Escalier principal bois massif.

 

  • Méthode appliquée

Étape 1 : calcul du CO2 stocké dans la totalité du bâtiment

StockC RE2020 = 92kgC/m2réf Sréf = 2000m2 → StockCO2bat = 677tCO2e

Étape 2 : calcul du scénario de référence

StockCO2réf (2023) = 28kgCO2e/m2
Surface de Plancher (SDP) = 2200m2 StockCO2bat, ref = 62tCO2e

Étape 3 : calcul du stock de CO2 additionnel du projet

→ DStockCO2bat = 615tCO2e

Étape 4 : calcul des réductions d’émissions anticipées (REA) générables

Les composants qui contribuent majoritairement à la séquestration sont les éléments en CLT de la structure et des planchers qui présentent une durée de vie théorique de 100 ans. D’autres éléments comme les bardages ou les planchers techniques ont également des durées de vie théoriques élevées (de l’ordre de 50 ans). Ainsi le coefficient de rabais Cdv est relativement limité pour ce projet.

Cdv = 92%
REA générables = 565tCO2e

Étape 5 : calcul des émissions stockées générées

Avec Rabais 1 (incendie, inondation ou submersion, insectes xylophages, déconstruction anticipée) = 10% REA générées = 509tCO2e

Conclusion

Si les 509tCO2e générées dans cet exemple restent hypothétiques car nécessitant l'intégration d'une quantité de matière biosourcée allant bien au-delà des pratiques observées aujourd'hui, cet objectif reste tout de même atteignable dans le cas de projets de construction 100% bois dont certains commencent à voir le jour.

Ces 509tCO2e correspondent, par ailleurs, peu ou prou aux volumes de séquestrations valorisées sur des projets de reboisement de l'ordre de 1,5ha présentés sur le site du label bas-carbone. L'ambition de faire du bâtiment un contributeur important de la chaîne de séquestration grâce aux produits bois à durée de vie longue semble donc pertinente au vu de ces chiffres. Ceci à condition de se donner les moyens de nos ambitions tant, à l'amont, en protégeant et en renforçant le puits forestier que, à l'aval, dans nos pratiques constructives.


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