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13 septembre 2019
Auteurs et autrices : Rodrigo Baranna

Session environnementale de l’OMI : des résultats mitigés pour les négociations du secteur maritime sur le climat

Cet article a initialement été publié dans notre newsletter Décryptage Mobilité. Pour recevoir par mail les prochains articles dès leur publication, abonnez-vous dès maintenant. Par Rodrigo Baranna - Consultant 

En avril 2018, l’Organisation Maritime Internationale (OMI) avait délibéré en faveur de l’adoption d’une « stratégie initiale » de réduction des émissions des Gaz à Effet de Serre (GES) du secteur maritime [1], établissant deux niveaux d’ambition : 

  • Intensité carbone : -40% d’ici 2030 et -70% d’ici 2050 par rapport à 2008
  • Émissions absolues : -50% d’ici 2050 par rapport à 2008

Pour atteindre ces objectifs, l’institution des Nations Unies devra définir des actions concrètes pour promouvoir la décarbonation du secteur, qui serviront de base aux différents acteurs pour l’élaboration de leurs propres stratégies. Cette stratégie initiale doit être revue en 2023 sur la base des résultats d’une campagne de collecte de données sur la consommation de carburant des navires de taille supérieure à 5 000 tonnes de jauge brute, ainsi que de la 4ème étude de l’OMI [2] portant sur le calcul des émissions du transport maritime international sur la période 2012-2018, l’élaboration des scénarios prospectifs d’émissions du secteur et le calcul de son intensité carbone actuelle [3]. Lors de son 73èmecongrès de novembre 2018, le Comité de Protection du Milieu Marin (MEPC, placé sous l’égide de l’OMI) a lancé un appel à des propositions de mesures concrètes. Les mesures de court terme (jusqu’à 2023) devaient être présentées au 74ème MEPC et les mesures de moyen (2023-2030) et long (à partir de 2030) termes aux 74ème et 75ème MEPC [2]. 

En mai dernier,s’est ainsi réuni à Londres le 74ème Comité de la Protection du Milieu Marin. À l’issue de ce cycle de négociations, il était attendu une définition des mesures de court terme à mettre en place par le secteur maritime pour réduire ses émissions de GES. Cependant, les résultats observés n’ont pas été au rendez-vous de ces attentes, s’avérant beaucoup plus modérés et moins engageants. En effet, le Comité a décidé de mener d’abord une évaluation de l’impact des mesures proposées. Ainsi, le groupe de travail sur les GES du 74èmeMEPC s’est limité à définir une procédure d’évaluation des mesures et d’établir des groupes de travail intersessions pour appliquer cette procédure aux mesures proposées [4]. Dès lors, l’élaboration des recommandations de l’OMI sur les actions de court terme a été reportée aux prochains cycles de négociations. La définition des actions de moyen et long termes fera l’objet d’analyses encore ultérieures. 

C’est clairement très décevant. Pendant que le positionnement officiel de l’institution onusienne reste incertain, différents acteurs du secteur font connaître leurs visions d’un engagement plus ferme et plus volontariste. Deux principaux leviers sont évoqués : l’amélioration de la performance énergétique et la réduction de l’intensité carbone du mix énergétique du secteur maritime. Dans le but de promouvoir l’efficacité énergétique du parc maritime actuel, en avril dernier, l’OMI a reçu une lettre demandant la mise en place d’une limitation de la vitesse moyenne des porte-conteneurs, ainsi que d’une limite absolue de vitesse pour tout autre type de navire. Plus de 100 entreprises maritimes et organisations environnementales en étaient signataires [5]. En ce qui concerne des vecteurs énergétiques moins carbonés, les biocarburants s’avèrent la solution à moyen/long terme la plus prometteuse pour un grand nombre d’acteurs, soit sous la forme liquide comme pour les géants Maersk [11] et CMA CGM [12], soit sous la forme de biométhane comme propose Wärtsilä [13]. Le GNL serait une solution de transition pour le maritime selon Hapag-Lloyd [6], NYK [7] et DNV GL [8]. Pour Santos [9], ainsi que pour l’industrie norvégienne [10], les batteries pourraient aussi avoir leur place dans la décarbonation du secteur. L’hydrogène complète le cadre en captant des investissements en Norvège, par exemple [14]. Les pistes sont multiples, mais les décisions urgentes. La transition énergétique du secteur maritime sera un processus lent, compte tenu du besoin de renouvellement des flottes et de la longue durée de vie des bateaux. 

La prochaine décennie sera donc décisive pour le développement des technologies qui seront le standard en 2050. Quelles que soient les solutions de demain, il faudra que leur mise au point soit achevée d’ici 2030, pour qu’une diffusion graduelle ait lieu entre 2030 et 2050. Finalement, outre les deux leviers d’action cités précédemment pour décarboner le secteur maritime, un troisième levier pourrait jouer un rôle aussi important : la réduction des besoins, autrement dit la sobriété. Alors que les deux premiers dépendent fortement du progrès technologique, la sobriété représenterait un vrai changement de paradigme car il faudrait remettre en question les flux du transport pour réduire les distances et les quantités transportées. Par contre, cela serait le sujet d’une discussion qui dépasserait le cadre de l’OMI … 

Sources : [1] OMI : UN body adopts climate change strategy for shipping  [2] OMI : Next steps to deliver IMO GHG strategy  [3] OMI : MEPC 73rd session  [4] OMI : MEPC 74th session [5] Financial Times [6] Hapag-Lloyd [7] NYK [8] Lloyd’s List : LNG will be transitional fuel for 2030, Nor-Shipping hears [9] Santos [10] Lloyd’s List : Shipping enters the ion age with battery technology [11] Maersk [12] The Maritime Executive [13] Lloyd’s List : Combustion engine is here to stay, Wärtsilä says [14] Lloyd’s List : Why Norway is backing hydrogen as the key to decarbonising shipping by 2050


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