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29 mars 2023
Auteurs et autrices : Carles Ponsa Sala

Trottinettes électriques, pour ou contre le climat ?

« Pour ou contre les trottinettes en libre-service ? » : c’est la question soumise au vote des Parisiennes et Parisiens le 2 avril prochain. Après avoir connu un succès notable aux Etats-Unis, les trottinettes électriques en free floating ou libre-service (à noter qu’il n’en existe pas de mécaniques) ont débarqué dans la capitale française en 2018[1].  Grâce à un modèle de développement à marche forcée elles dominent maintenant le marché de la micromobilité urbaine avec les vélos en libre-service, et ont suscité des changements radicaux dans les habitudes de déplacements en seulement quelques années. Cependant, ces flottes de trottinettes font l’objet de nombreuses critiques d’une partie des habitant.e.s, accusées d’être un danger pour les autres usagers de la rue et des trottoirs, d’encombrer l’espace public et d’encourager la passivité dans les déplacements. Cela a motivé un encadrement de ces flottes, surtout en termes de stationnement et de vitesse maximale (à Paris la limite autorisée pour ces engins est de 10 km/h, voire 20 km/h sur certains grands axes), pour contenir la gêne et les accidents de circulation. 

En parallèle de ces questions de cohabitation de la mobilité urbaine, est-ce que les trottinettes participent à la décarbonation des métropoles ?

A l’usage, les trottinettes électriques sont un des modes de mobilité urbaine le moins carboné, à l’exception des mobilités actives comme la marche, le vélo mécanique voire…la trottinette mécanique ! 

Mais si on regarde le cycle de vie carbone d’une trottinette en libre-service dans son ensemble avec notamment l’empreinte de la fabrication, l’impact est très variable en fonction des villes et de la durée de vie des trottinettes, parfois très courte, ce qui impacte négativement son empreinte carbone globale. L’étude de Fraunhofer ISI[2] publiée en 2022, a considéré l’impact de la flotte de trottinettes de l’entreprise américaine Lime, qui détient un tiers de la flotte parisienne en libre-service. En prenant en compte non seulement l’utilisation, mais aussi l’infrastructure, la fabrication de la trottinette électrique et son entretien, l’impact carbone selon Fraunhofer ISI est de 27 gCO2e par passager et par kilomètre en moyenne. Cela la rend moins carbonée qu’une voiture, thermique ou électrique, mais plus que le métro (en France, car l’électricité est majoritairement décarbonée), le vélo personnel, ou la marche à pied.

Empreinte carbone en cycle de vie pour différents modes de transports (moyenne pour 6 métropoles, la phase d’usage du métro/RER est nettement moins importante en France)
Source : Fraunhofer ISI, 2022

La question du report modal, c’est-à-dire ce que la trottinette électrique remplace, est donc cruciale. Or, cela ne joue pas en sa faveur.

Toujours selon l’étude Fraunhofer ISI, le report modal varie fortement en fonction de la ville et de son réseau de transport en commun. Pour le cas de Paris, l’étude de Fraunhofer ISI démontre que 40% des trajets effectués avec une trottinette électrique remplacent la marche à pied, 30% le métro, 9% le taxi/VTC, 7% le vélo (en libre-service ou non), 5% le bus, et 5% la voiture ou la moto (électrique et thermique). Ainsi, dans 77% des cas (marche à pied, métro, vélo), les trottinettes électriques remplacent des modes actifs, et moins carbonés dans la majorité des cas.

Cependant, comme les trottinettes restent un mode de transport peu carboné, lorsqu’on regarde les différences d’émissions selon les modes de transport remplacés, les trottinettes électriques permettent réduire en moyenne les émissions de 21 gCO2e/passager.km, car même avec un report modal faible, les voitures et motos sont beaucoup plus émissives.

En se projetant dans des villes bas-carbone, les trottinettes électriques en libre-service peuvent tout à fait avoir leur place en tant que véhicules faiblement émissifs, légers, relativement peu encombrants et peu bruyants. Cependant, ce n’est pas l’option privilégiée, car les modes actifs comme la marche à pied ou le vélo restent moins carbonés, moins énergivores et consommateurs de métaux critiques (absence de batteries) et sont un levier de maintien en bonne santé. 

L’avenir des 15 000 trottinettes en libre-service qui circulent actuellement dans Paris est incertain, et le vote dépasse le simple aspect carbone, mais quel que soit le résultat, le renfort de la place des modes actifs dans nos villes est un levier qui doit rester prioritaire


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