Le développement des voitures autonomes : lâcher le volant pour mieux voir les émissions de CO2 s'envoler ?
Cet article a initialement été publié dans notre newsletter Décryptage Mobilité du 1er avril 2021.
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Dernière rumeur en date dans le monde du véhicule autonome : Apple pourrait faire le choix de ne pas s’associer avec un grand constructeur et de travailler plutôt à son propre projet de voiture autonome avec Foxconn, son partenaire historique pour les iPhones, et l’équipementier canadien Magna [1]. Rendez-vous bientôt pour une « Apple Car » ?
L’engouement des acteurs traditionnels (mais aussi moins traditionnels) du monde automobile pour le véhicule autonome n’est plus à prouver. Celui des pouvoirs publics non plus, comme l’illustre l’ambition française du rapport « Développement des véhicules autonomes : Orientations stratégiques pour l’action publique » [2]. Ces acteurs enthousiastes, parfois centrés sur le confort et la sécurité, s’interrogent peu sur la cohérence de l’essor espéré des véhicules autonomes avec leurs propres ambitions climatiques. Et si l’on faisait cet exercice à leur place : l’essor du véhicule autonome est-il une bonne nouvelle pour le climat et pour la décarbonation visée du secteur des transports ?
Quelques raisons d’espérer
Le véhicule autonome [3] porte en soi quelques motifs de croire à une contribution positive à la décarbonation du secteur routier. Tout d’abord, le véhicule autonome est le plus souvent envisagé comme équipé d’un moteur électrique et non thermique, et cela pourrait même devenir obligatoire dans certaines juridictions [4]. La technologie employée devrait aussi permettre d’optimiser de nombreux éléments. Ainsi, au niveau du véhicule lui-même, l’optimisation par ordinateur des freinages et des accélérations permet d’atteindre des performances d’écoconduite hors de portée pour un conducteur humain.
Plus largement, au niveau du système global de transport, certaines améliorations telles que le développement du platooning [5] ou l’optimisation des intersections pourraient être de précieux alliés pour réduire les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES). De nombreuses raisons de s’inquiéter
Malgré ces avantages, il existe de nombreuses raisons de redouter l’impact des véhicules autonomes sur les émissions de GES. Au niveau du véhicule, la technologie embarquée (radars, lidars, ordinateur de bord, etc.) est loin d’être neutre en termes d’émissions à la fabrication et de consommation d’énergie à l’usage, sans compter le poids que ces équipements rajoutent au véhicule [6]. Les infrastructures externes aux véhicules et nécessaires à son fonctionnement autonome (antennes 4G et probablement 5G, data centers, etc.) sont aussi énergivores.
Les principaux problèmes apparaissent surtout quand on dépasse l’échelle du véhicule lui-même. En effet, différents effets rebond sont susceptibles d’anéantir les éventuels gains énergétiques permis par les véhicules autonomes. L’excellent rapport du Forum Vies Mobiles « Le véhicule autonome : quel rôle dans la transition écologique des mobilités ? » [7] en liste six parmi lesquels :
- L’allongement des distances et l’étalement urbain permis par un plus grand confort et la possibilité de ne plus « perdre du temps » lors de ses trajets en voiture
- Le report modal vers la voiture à cause de la concurrence faite par les véhicules autonomes (personnels ou partagés) aux transports en commun
- La baisse drastique des coûts de livraison qui pourrait inciter à augmenter le nombre de livraisons, liés en particulier à la vente en ligne, et les kilomètres associés
En quelques mots, l’essor du véhicule autonome pourrait conforter voire renforcer la préférence pour la voiture et le transport routier, alors même que tous les scénarios de transition s’accordent à dire que la part de la route doit diminuer pour respecter les objectifs de l’Accord de Paris [8]. Une équation globalement défavorable
Si les incertitudes associées à ce type de prévisions sont élevées en raison de l’horizon lointain et des facteurs comportementaux en jeu, le fléau de la balance semble plutôt pencher du mauvais côté à ce stade des projections [9]. Peut-être est-il encore temps de remettre les mains sur le volant et de regarder si la route que nous prenons est bien celle que nous voulons.
----- Article rédigé par Clément Mallet (Consultant senior) clement.mallet@carbone4.com
Sources : [1] Bloomberg [2] Ecologie.gouv [3] Nous parlons ici principalement des véhicules autonomes de niveau 4 et 5 qui demandent une supervision limitée du conducteur. [4] Voir l’exemple de la Californie, Techcrunch [5] Le platooning, « groupement en peloton » en français consiste à réduire la distance entre plusieurs véhicules se suivant et permet entre autres de réduire les frottements avec l’air et donc les consommations de carburant. [6] Surconsommation énergétique estimée entre 3% et 20% Gawron et Al (2018) [7] Forum Vies Mobile [8] Voir par exemple en France le Scénario de Référence de la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) (passage de 85% à 78% du total de passagers.km de 2015 à 2050) ou encore le scénario ZEN 2050 de EPE; et à l’international les différents scénarios de l’Agence International de l’Énergie (AIE). [9] De façon quantitative, le Forum Vies Mobiles cite des études respectivement du Département Américain de l’Énergie, de l’AIE et Stephens et Al. qui présentent en termes de consommations d’énergie les résultats suivants (scénario optimiste/scénario pessimiste) : -90%/+250%, -40%/+100%, -58%/+250%.
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