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11 mars 2020

La voiture électrique doit être décarbonée de la production à l'usage

Cet article a initialement été publié dans notre newsletter Décryptage Mobilité. Pour recevoir par mail les prochains articles dès leur publication, abonnez-vous dès maintenant. Par Aurélien Schuller – Manager 

L’actualité le confirme : sur la voiture électrique le coup est parti ! 
Parmi les signaux : les annonces de nouveaux modèles, les performances financières de Tesla à faire pâlir les constructeurs historiques [1], ou encore l’importante part de marché en France sur le mois de janvier avec plus de 8% des immatriculations (du fait certes d’un effet tactique de reports des ventes de 2019 à 2020) [2]. À Carbone 4 nous avons bâti une position depuis plusieurs années sur la voiture électrique, à l’occasion de plusieurs études et publications que l’on peut rappeler ici : - L'analyse en cycle de vie de plusieurs motorisations de voitures en France  (décembre 2017). - Les empreintes carbone des voitures électriques dans d’autres pays de l’Union Européenne (septembre 2018). - La note de synthèse sur le véhicule électrique en France (septembre 2018). Au fil des études, un enseignement se dégage : la voiture électrique peut être une voie pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais sous certaines conditions, au nombre de 3 : 

  1. En premier lieu, c’est peut-être une évidence mais encore faut-il le rappeler, la voiture doit consommer une électricité peu carbonée. À ce sujet nous avons déjà eu l’occasion dans un précédent article sur l’hydrogène de regretter que le règlement européen sur le CO2 des voitures et utilitaires soit à ce jour aveugle sur l’amont de l’énergie consommée par les véhicules. Ajoutons un reproche au règlement européen : il incite dans une certaine mesure à produire des véhicules plus lourds, car l’objectif CO2 des constructeurs est modulé selon la masse des véhicules vendus. Mais ce règlement a au moins le mérite d’avoir fortement contribué à la transition que nous sommes en train de vivre avec le fort développement à prévoir des véhicules zéro émissions à l’échappement.Si d’importants efforts sont demandés aux constructeurs automobiles, et c’est tant mieux, cela n’a de sens que si un effort d’une ampleur analogue est demandé aux autres parties prenantes de l’empreinte carbone d’un véhicule électrique, à commencer par les entreprises de l’amont énergétique, pour la production d’électricité notamment, mais aussi demain pour l’hydrogène, le bioGNV ou tout autres carburants alternatifs aux produits pétroliers.
     
  2. Plus largement, et c’est notre seconde condition, c’est l’empreinte carbone en cycle de vie des véhicules qui doit être réduiteAinsi la fabrication des batteries doit elle aussi être la plus décarbonée possible. Comme les processus de fabrication des batteries sont gourmands en électricité, on peut s’interroger sur la pertinence de faire produire les batteries dans des pays comme la Chine bien sûr, mais aussi dans certains États Membres de l’Union Européenne comme la Pologne ou encore l’Allemagne ? Cette question fait écho aux récentes annonces de projets de gigafactories en UE, avec l’arrivée de Tesla au Sud de Berlin [3] ou encore à l’usine de LG Chem en Pologne [4]. À l’inverse il y a des projets dans des pays aux mix électriques peu carbonés comme en Suède avec Northvolt ou en France dans le cadre du projet européen d’Airbus de la batterie. Mais au-delà du contenu carbone de l’électron, il faut reconnaître que l’empreinte carbone de la batterie est en grande partie un enjeu d’efficacité industrielle de la production, ce qui donne raison au gigantisme dans ce secteur industriel en cours de développement.En ce qui concerne la fabrication des batteries, gardons à l’esprit les enjeux écologiques qui vont au-delà du seul critère carbone : il y a un besoin de transparence et de conformité dans toute la chaîne de valeur pour respecter les conditions de travail et l’environnement de la mine jusqu’au véhicule. Et bien sûr on ne peut qu’espérer que les batteries soient conçues du mieux possible avec la logique d’écoconception, afin d’anticiper leur futur recyclage.
     
  3. Il convient d’accepter une modération de la taille de la batterie, dans une perspective plus générale de sobriété des mobilitésAu-delà de la faible intensité carbone de la batterie pour sa production, il ne faudrait pas que l’empreinte carbone totale du pack de batterie soit maintenue, voire augmente, par un effet rebond vers plus de capacité embarquée à poids, coût ou volume constants. La hausse des capacités embarquées par les véhicules doit être un juste équilibre entre les attentes des consommateurs d’une part (attentes qui dépendent par ailleurs de la performance et de l’accessibilité du réseau de charge) et l’empreinte environnementale d’autre part.Mais quoi qu’il en soit, les voitures électriques à batteries ne pourront pas fournir des autonomies analogues à celles que l’ont connaît pour les voitures thermiques, avec les technologies actuelles de batteries du moins. De cet apparent point faible, sachons tirer une force : le développement de la voiture électrique appelle à une réflexion plus large sur nos besoins de mobilité, notre rapport à l’automobile et sur les imaginaires qui sont véhiculés en termes de puissance et de vitesse (voir un précédent article dans ces lignes sur les SUV). Sur ce point on peut regretter que près d'une voiture sur deux immatriculée à Paris soit un SUV [5], et que certains modèles électriques jouent des mécaniques avec d’énormes batteries, si bien que certains peuvent les qualifier de « tanks électriques ». Dans une catégorie de poids inférieure au tank, on pourra s’amuser que le Hummer électrique pourrait devenir réalité d’après GMC [6].

Pour finir, plutôt que de résumer ouvrons avec une question : quels sont les pays qui ont actuellement une électricité peu carbonée, des constructeurs automobiles de rang mondial, et qui pourraient ainsi tirer parti de ce que le véhicule électrique a de mieux à nous donner, c’est-à-dire une faible empreinte carbone à la fabrication comme à l’usage, et un projet industriel concret pour la nécessaire transition énergétique ? Il y a une réponse à cette question qui peut sembler évidente… mais nous sommes impatients de connaître la vôtre !   

Sources : [1] Autoactu.com [2] AFP [3] Les Échos [4] LG Corp [5] Motor1.com [6] GMC


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