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2 septembre 2024
Auteurs et autrices : Thibault Belin, Carles Ponsa Sala

Rétrofit de véhicules : quel potentiel pour la décarbonation du secteur des transports ?

Comme nous l’évoquions dans d’autres articles[1][2][3], l’électrification des véhicules est un enjeu clé pour la transition. Pour réussir cette électrification, deux options sont envisageables. La première consiste à renouveler le parc par des véhicules électriques. La seconde, quant à elle, consiste à convertir les véhicules thermiques en véhicules électriques : c’est ce qu’on appelle le rétrofit électrique. 

Carbone 4 a analysé, pour 3 types de véhicules (les voitures, les véhicules utilitaires légers et les autobus), la pertinence et le potentiel du rétrofit électrique. 

Dans quelle mesure peut-il être un moyen d’accélérer l’électrification du parc ? Dans quel cas est-il pertinent d’un point de vue climatique ou financier ?

1 – Qu’est-ce que le rétrofit ?

Afin d’accélérer notre transition vers des motorisations plus propres tout en évitant la fabrication de véhicules neufs (et les émissions de gaz à effet de serre associées), il est possible de convertir des véhicules thermiques existants en véhicules électriques. C’est ce qu’on appelle le « rétrofit ». 

Le rétrofit peut concerner tous types de véhicules : deux roues, voitures, véhicules utilitaires, bus, cars et camions. Les conditions requises pour pouvoir effectuer un rétrofit sont les suivantes : le véhicule doit avoir plus de 5 ans, un contrôle technique favorable, une configuration d’origine en bon état et être immatriculé en France[4].

Les modifications engendrées par l’opération du rétrofit consistent à extraire l’ensemble du groupe motopropulseur thermique du véhicule : moteur, pont, transmissions et embrayage ainsi que le réservoir de carburant et la ligne d’échappement, et à installer un moteur électrique et un pack de batteries. Ce dernier est souvent placé dans l’espace laissé par le réservoir ou dans le compartiment moteur. Enfin, certains éléments auxiliaires exclusifs aux véhicules électriques sont installés, tels qu’un boîtier électronique, une prise, un tableau de bord, etc. 

Figure 1. Opération de rétrofit
Source : Librairie Ademe

2 – Présentation des scénarios et du périmètre

Pour cette étude, l’analyse est structurée autour de 3 scénarios de décisions après l’exploitation d’un véhicule thermique (considéré comme diesel) pendant 5 ans

  • Scénario A : prolongement de l’exploitation du même véhicule diesel pendant 10 ans.
  • Scénario B : vente du véhicule thermique suivi d’un achat d’un véhicule électrique neuf et exploitation de celui-ci pendant 15 ans.
  • Scénario C : rétrofit électrique et exploitation pendant 10 ans.

Le scénario C considère l’installation d’une batterie de capacité plus faible que les véhicules électriques neufs. En effet, l’espace disponible après avoir retiré les éléments du groupe motopropulseur thermique ne permet pas d’installer des batteries aussi volumineuses que pour des véhicules électriques neufs.

Figure 2. Scénarios et périmètre de l'étude
Figure 3. Typologies des véhicules étudiés

3 – Présentation des résultats pour l’intensité carbone

L’intensité carbone a été évaluée, en France, pour les trois scénarios avec une approcheen cycle de vie. Cela implique donc que les phases de fabrication du véhicule, du kit de rétrofit, de la batterie, l’usage et la fin de vie des véhicules et des équipements sont considérées[5]. Voir les Tableaux 1 et 2 en annexe pour davantage d’informations sur la définition du périmètre et des hypothèses utilisées.

Le diagramme suivant montre la comparaison de l’intensité des émissions de gaz à effet de serre à partir de l’année 5 en fonction du scénario et de la catégorie de véhicule. Deux éléments principaux ressortent des résultats :

  • D’une part, le rétrofit électrique permet d’améliorer significativement l’empreinte carbone du véhicule à hauteur de 81% par rapport à une continuation de l’exploitation du véhicule diesel. Les émissions de gaz à effet de serre de l’opération rétrofit restent négligeables par rapport aux gains apportés.
  • Le rétrofit électrique permet une baisse plus importante des émissions de gaz à effet de serre que l’achat d’un véhicule électrique neuf. Cet avantage est principalement dû à l’économie de la fabrication du véhicule ainsi qu’à l’installation d’une batterie plus petite. Cet écart devient d’autant plus notable lorsque la différence de taille de batterie augmente entre la version électrique et rétrofit, notamment pour les voitures citadines.
Figure 4. Intensité carbone par scénario et catégorie de véhicule (gCO2e/km)

Que faut-il donc retenir d’un point de vue carbone ? 

Le rétrofit, comme l’achat d’un véhicule électrique neuf est donc pertinent pour réduire efficacement les émissions de CO2 d’un véhicule. 

Toutefois, le rétrofit présente plusieurs avantages supplémentaires : 

  • Il permet de réemployer le châssis et la carcasse du véhicule par rapport à un véhicule électrique neuf ;
  • Il impose une certaine sobriété dans la capacité de la batterie (espace plus limité) ;
  • Il permet, sauf primes à la casse, de s’assurer de la sortie du parc d’un véhicule thermique (contrairement au scénario B ou le véhicule thermique peut se retrouver sur le marché de l’occasion).

4 – Présentation des résultats pour le coût de possession 

Dans la même logique que l’analyse en cycle de vie pour le carbone, l’analyse des coûts est effectuée en coût total de possession (ou « total cost of ownership » TCO) afin d’évaluer la pertinence financière du rétrofit. Le coût total de possession est calculé à partir de l’année 5 (âge du rétrofit), et comprend les coûts d’énergie (essence, électricité), d’entretien et d’assurance, ainsi que la valeur résiduelle après décote entre l’année 5 et 15 (voir Annexe, Tableau 3). Le calcul prend également en compte l’achat du VE et du kit rétrofit pour les scénarios B et C respectivement, ainsi que le retour sur investissement grâce à la revente du véhicule et du groupe motopropulseur thermique. Néanmoins, par souci de simplification, les primes à l’achat d’un véhicule électrique, comme les primes d’aides à la conversion en rétrofit, ne sont pas considérées dans ce modèle.

Le diagramme suivant montre les résultats pour chaque catégorie de véhicule :

Figure 5. Coût total de possession par catégorie de véhicule

L’analyse du coût total de possession révèle trois points clés :

  1. L’ordre des TCO est différent pour chaque catégorie de véhicule, car cela dépend principalement du prix du rétrofit, du prix d’un véhicule neuf, de la revente de l’ancien véhicule ou encore du kilométrage parcouru.
  2. Pour les catégories VUL et autobus, le rétrofit se présente comme l’option la moins coûteuse.
  3. Avec un écart entre le coût du rétrofit, et le coût d’un véhicule électrique neuf plus faible que sur les deux autres types de véhicules, la voiture citadine ne présente pas, dans ce modèle, un avantage économique par rapport à son équivalent retrofit[6].

 

En conclusion, d’un point de vue économique, le rétrofit est pertinent pour les catégories de véhicules où le passage à l’électrique nécessite des niveaux d’investissement très élevés, tels que les VUL ou les poids lourds. Néanmoins, plusieurs pays comme la France[7] rendent le rétrofit éligible aux aides à la conversion à l’électrique, ce qui peut faire varier les chiffres du TCO calculé précédemment.

5 – Présentation des résultats pour l’intensité matière

Cette section vise à analyser les bénéfices du rétrofit par rapport à l’achat d’un véhicule électrique neuf en fonction de l’utilisation de métaux, dont certains d’entre eux sont critiques pour la transition énergétique.

La carcasse qui est réutilisée lors de l’opération de rétrofit est constituée principalement de matériaux ferreux tels que l’acier, et de matières plastiques. Pour le rétrofit comme pour le véhicule électrique neuf, le groupe motopropulseur électrique est composé d’acier, d’aluminium, de cuivre, mais aussi de terres rares, ce qui n’est pas le cas de tous les moteurs électriques. En ce qui concerne les batteries, l’analyse considère une batterie de type NMC 622[8] pour le véhicule électrique neuf (scénario B) et le véhicule rétrofité (scénario C).

Les scénarios sont comparés à partir de l’intensité matière en g/km, calculée comme la somme des besoins cumulés en matières divisée par la distance totale parcourue. La période comprend la phase thermique commune sur les 3 scénarios.

En comparant l’intensité matière cumulée des différents scénarios pour la voiture citadine, on observe que :

  • Pour du rétrofit comme pour de l’électrique neuf, l’empreinte matière sera plus importante que le scénario A.
  • Le rétrofit présente néanmoins un avantage significatif en réduisant de 58 % les besoins matières par rapport à une voiture électrique neuve, grâce à la réutilisation de la carcasse et du châssis ainsi qu’à l’installation d’une batterie de moindre capacité.

Les conclusions sont identiques pour les autres types de véhicules avec des pourcentages de réductions similaires. 

Figure 6. Empreinte matière selon le scénario - Voiture citadine (grammes de matière/km)

6 – Conclusions

Le rétrofit de véhicules est une alternative complémentaire à la vente de véhicules électriques neufs, celle-ci étant tout à fait incontournable à la décarbonation rapide du parc roulant.

Sur le plan environnemental, l’analyse confirme l’intérêt du rétrofit pour toutes les catégories de véhicules. Le rétrofit, en comparaison avec l’achat d’un véhicule électrique neuf se place comme une alternative pertinente pour réduire non seulement les émissions de gaz à effet de serre des véhicules, mais aussi l’empreinte matière de certains métaux critiques pour la transition.

La pertinence économique du modèle du rétrofit électrique reste un aspect à adresser, surtout pour les véhicules légers. Les aides de chaque pays peuvent améliorer sa compétitivité, en attendant que la poursuite de l’industrialisation de la filière permette une réduction des coûts de développement des kits de conversion et les coûts d’homologation.

Ainsi, le principal atout du rétrofit réside dans sa combinaison du levier technologique (forte diminution des émissions au passage à l’électrique) et du levier de la sobriété grâce à la réutilisation d’une carcasse existante et de l’installation d’une batterie plus petite, et donc d’un moindre usage de ressources.

 

 

Annexe

Intensité carbone

Les émissions de la phase de fabrication du scénario B comprennent la production d’un nouveau châssis et d’une carcasse. Le scénario C considère les émissions de la production du nouveau groupe motopropulseur électrique (kit rétrofit) et de la batterie. L’usage comprend la combustion et l’amont des carburants et de l’électricité. Les scénarios B et C prennent en considération 10 % de pertes lors de la recharge.

Tableau 1. Périmètre considéré
Tableau 2. Hypothèses de calcul – intensité carbone

Coût de possession

Tableau 3. Scénarios pour le calcul du coût de possession
Tableau 4. Hypothèses de calcul - coût de possession

Mobilité
véhicule électrique
secteur du transport