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21 octobre 2021
Auteurs et autrices : Alexandre Joly

Allô docteur, j’ai mal : les prix des énergies montent !

La température n’arrête pas de grimper 

Le prix des énergies a fortement augmenté depuis le début d’année en France (et en Europe), avec une explosion pour le gaz et l’électricité[1] : respectivement +300% et +190%.

La fièvre des prix du gaz et de l’électricité est multifactorielle :

Le prix de marché de l’électricité est très sensible au prix du gaz

  • Le prix de marché de l’électricité est fixé par celui de la dernière centrale appelée pour satisfaire l’équilibre offre-demande sur le réseau électrique, et cette centrale fonctionne généralement au gaz. Cette logique, poussée par l’UE, s’applique à l’échelle européenne via les interconnexions entre pays.
  • Ainsi, même si les centrales au gaz représentent moins de 10% de la production électrique en France, le prix de l’électricité subit de plein fouet l’augmentation du prix du gaz. C’est la principale raison de l’évolution des prix de l’électricité.
  • Corollaire, le prix de marché ne reflète pas la réalité des coûts de production plutôt stables des principaux modes de production : nucléaire à 70%, hydroélectrique à 10%.

Géopolitique : le géant énergétique russe met l’Europe en tension sur le gaz

  • La Russie, premier fournisseur de gaz (et de pétrole) de l’UE[2], n’augmente pas ses exportations pour accentuer la pression sur l’UE afin de mettre en service le gazoduc Nord Stream 2 en Mer Baltique.
  • Les fournisseurs européens de gaz ont en partie abandonné les contrats de long terme (fixant un prix sur une longue durée) avec la Russie suite aux événements en Ukraine, et sont ainsi plus exposés à la volatilité des prix des marchés.

Économique : la reprise post-COVID est plus forte qu’anticipée et met en tension la demande en énergie

  • La Chine fait face à des pénuries énergétiques qui limitent ses niveaux de production. En réponse, elle rouvre 15 mines de charbon malgré ses objectifs climatiques[3].
  • Le Sud-Est asiatique a aussi les moyens de payer plus cher son énergie sur le marché mondial, au détriment de l’UE. Le gaz naturel liquéfié (GNL), qui est une ressource mondialisée, part ainsi en priorité en Asie[4].

Limites physiques : les approvisionnements possibles sont contraints en volume

  • Après des années de pertes, l’industrie du gaz (et du pétrole) de schiste aux Etats-Unis fait enfin face à la réalité. La production n’augmentera plus[5].
  • La Norvège, 2e fournisseur de gaz en UE, a grosso modo atteint son maximum de production[6].

Climat : le prix du CO2 se renchérit

Le prix à la tonne de CO2 que les industries fossiles doivent payer sur le marché européen est passé de 30€ à 60€ en 10 mois suite aux annonces de réhausse de l’ambition climatique (« Fit for 55 »)[7]. Même si la spéculation a pu jouer, cette augmentation n’explique que 20% de l’augmentation du prix de l’électricité[8].

Un peu de morphine s’il vous plaît !

En France, le gouvernement répond au court-terme par le court-terme en débloquant un chèque énergie pour les ménages précaires financièrement (qui sont souvent aussi les précaires énergétiques). Et après ? On attend la prochaine crise ?

Il est temps de regarder notre addiction en face :

L’énergie, c’est seulement 10% de la dépense des ménages et pourtant, sans ces 10%, impossible de prendre la voiture pour aller travailler et acheter à manger, ou encore se chauffer en hiver[9].

C’est justement parce qu’on oublie que cette énergie est essentielle pour satisfaire nos besoins primaires (se chauffer, manger, se déplacer) que c’est un sujet explosif pour les ménages énergétiquement précaires (obligés de parcourir des km en voiture pour aller travailler, logements thermiquement mal isolés).

Et plus on se droguera aux énergies fossiles, plus le réveil sera dur

Sans réduction de notre consommation d’énergie, le prix de l’énergie est structurellement orienté à la hausse à long-terme car, entre autres[10], :

  • Les énergies fossiles vont devenir :
    • Plus rares (stock limité),
    • Plus disputées (pays émergents),
    • Plus taxées pour leur pollution carbone.
  • Le coût de production des énergies bas-carbone est plus élevé que les énergies fossiles car elles sont moins denses énergétiquement et/ou requièrent plus de main d’oeuvre (électricité solaire en France à 60€/MWh quand l’essence est à 4€/MWh).

Et si on se sevrait pour vivre libéré : plutôt prévenir que mourir, non ?

L’énergie étant la principale source d’émissions de gaz à effet de serre, la première des actions face au changement climatique est de réduire sa consommation.

Or, plus l’énergie est chère, plus on fait attention à cette consommation.

Renchérir le prix de l’énergie de façon prévisible à long-terme, en répartissant l’effort équitablement, c’est passer un contrat social entre l’Etat, les entreprises et les citoyen.nes pour accroître notre résilience face au changement climatique.

Un pays économe en énergie, c’est plus qu’une mesure technocratique pour le changement climatique, c’est un projet de société libérateur :

  • Renforcer notre indépendance énergétique, pour accroître notre résilience géopolitique.
  • Créer des emplois avec l’argent économisé sur notre facture d’énergies fossiles (~50 Mds €) qui creuse notre balance commerciale.
  • Innover pour des technologies peu gourmandes en énergie et ainsi compatibles avec le changement climatique.
  • Favoriser le local pour mieux connaître nos territoires et mieux comprendre d’où proviennent les objets qui nous entourent.
  • Moins passer de temps loin dans les bouchons en voiture pour mieux respirer et plus profiter de la vie proche de chez soi.
  • Consommer décarboné (social : plus d’amis, plus de famille ; culture : plus de livres, plus de films) plutôt que consommer impulsivement des produits énergivores, non durables.

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