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15 juin 2022
Auteurs et autrices : Jean-Baptiste Sultan

Le diamant, l’autre marchandise à base de carbone venue de Russie

La Fédération de Russie n'exporte pas que du gaz, du pétrole et du charbon, elle exporte également du diamant. Contrairement à ce que l'on peut penser, ce minéral n'est pas essentiel qu'à la joaillerie et l’horlogerie. Si les turbulences dans le secteur du diamant ne feront pas forcément les gros titres, sa recomposition pourrait, au passage, contribuer à baisser son empreinte carbone. Explications.

La Russie exporte du diamant minier et du diamant de synthèse 

L’entreprise russe Alrosa est le premier producteur et exportateur de diamants du monde, fournissant environ un quart du marché mondial. Elle est contrôlée à 33% par l'Etat russe, et à 25% par la République de Yakoutie, où la quasi-totalité des diamants de la firme sont minés. De plus, la Russie pèse environ 10% du marché du diamant de synthèse, ces (vrais) diamants produits en laboratoire.

Les diamants ne servent pas qu'aux bijoux et aux montres 

Seules les gemmes les plus exceptionnelles servent à la joaillerie et l'horlogerie. La très grande majorité des diamants, miniers comme synthétiques, servent dans des industries comme la construction, les mines ou l'énergie. Une partie d'entre eux, de par les propriétés physico-chimiques du diamant, servent également dans la high-tech (senseurs, optiques, lasers, outils médicaux de coupe, etc.) qui serait même le secteur le plus prometteur pour le diamant de synthèse, devant la joaillerie [1]. Ces industries seront-elles également sensibles aux risques réputationnels portés par les diamants russes ? Si oui, la "perte" du premier fournisseur mondial de diamant minier et fournisseur important de diamants de synthèse pourrait entraîner une recomposition du marché. 

L'opportunité des diamants de synthèse pour baisser les risques et les émissions de gaz à effet de serre

Depuis environ 70 ans, l'industrie du diamant de synthèse, c'est-à-dire la production en laboratoire de (véritables) diamants, se développe et se perfectionne. S'il n'est pas encore possible de faire croître un diamant de la taille des plus exceptionnels diamants miniers comme le Cullinan (plus de 3100 carats soit 621 grammes), les progrès vont croissants, et les prix décroissants : d'environ 4000$ pour 1 carat de diamant synthétique en 2008 pour 400$ en 2020 (1). La maîtrise du processus de synthèse permet, dans une certaine mesure, de programmer la taille, la forme, et même les propriétés physiques (en ajoutant des éléments chimiques particuliers) des diamants produits. 

Concernant l’enjeu climatique, l'empreinte carbone typique d'un diamant de synthèse est dépendante très majoritairement de l'électricité utilisée durant la phase de synthèse. Ce qui signifie qu'un laboratoire utilisant de l'électricité bas-carbone (par exemple celle de la Norvège, de la Suède ou de la France) peut fournir des diamants de synthèse dont l'empreinte carbone moyenne par carat fini serait de 2 à 8 fois inférieure à celle du diamant minier moyen, alors que l’empreinte carbone actuelle d’un diamant de synthèse serait environ 3 fois plus élevée que celle d’un diamant minier, compte tenu d’une production majoritairement dans des pays à l’électricité très carbonée. Une opportunité de contribuer à la réduction de l'empreinte carbone de tous les secteurs utilisant du diamant ? 


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