article
·
13 novembre 2025
Auteurs et autrices : Carles Ponsa Sala

La révolution du « battery swapping » : une proposition d’avenir ?

Le « battery swapping », ou système de batterie échangeable en français, constitue une alternative à la recharge traditionnelle par prise pour les véhicules électriques. Ce système optimise le temps de recharge, en permettant de retirer la batterie déchargée d’un véhicule et de la remplacer par une batterie entièrement chargée en l’espace de quelques minutes dans les stations équipées. Les batteries remplacées sont stockées puis rechargées dans ces stations de remplacement afin de pouvoir être ensuite utilisées par un autre véhicule.

Aujourd’hui, la Chine dispose de la quasi-totalité des véhicules compatibles avec le système de « battery swapping »

La Chine, leader (pour l'instant) incontesté de ventes de véhicules électriques dans tous les segments (voitures, utilitaires et poids lourds), est également pionnière dans le secteur du battery swapping, tous segments de marché confondus. En 2024, plus de 75 000 camions électriques ont été vendus en Chine (contre seulement 3 400 en Europe), soit 80 % des ventes mondiales[1]. Parmi eux, 40 % sont compatibles avec le système de battery swapping. Ce système doit également compter sur un vaste réseau de stations de remplacement afin d’assurer sa pérennité. Dans le cas de la Chine, il existe aujourd’hui près de 400 stations dédiées aux poids lourds[2]. NIO, le constructeur chinois leader en battery swapping, compte plus de 3000 stations d’échange pour voitures.

 

Pour quelle raison la technologie du battery swapping se développe-t-elle autant ? Quels en sont les principaux avantages ?

Le principal avantage du système de battery swapping réside dans la rapidité de la recharge et le temps réduit d’immobilisation du véhicule. De fait, le processus de remplacement de la batterie dure moins de 5 minutes pour les véhicules légers et 10 minutes pour les poids lourds[3], une durée équivalente à celle d’un plein d’essence ou de diesel classique. Il permet également de réduire les inquiétudes existantes et donc les marges de sécurité relatives à l’autonomie des véhicules électriques.

De plus, le battery swapping présente un avantage par rapport aux bornes de recharge (ultra-)rapides : les batteries stockées peuvent être rechargées de manière contrôlée et suivre un cycle de charge optimale. Ce processus réduit non seulement l'appel de puissance sur le réseau électrique ainsi que le vieillissement prématuré des batteries (qui apparait dans le cas de charges rapides) et nécessite une puissance de raccordement au réseau relativement faible. Les stations de remplacement réduisent aussi le besoin en foncier, contrairement aux grandes aires de recharge conventionnelles. Enfin, à l’avenir, il est envisageable que ces stations soient interconnectées avec le réseau électrique en les utilisant comme un système de stockage et d’équilibrage d’énergie.

 

Mais pourquoi cela ne séduit pas les Européens ?

Si en Europe certaines initiatives ont été initiées afin de lancer le battery swapping avec des acteurs chinois ces dernières années, cela reste encore anecdotique à cause des investissements initiaux considérables. En effet, comme pour les bornes de recharge rapides, la réussite du battery swapping est intrinsèquement liée à un maillage suffisant du territoire et à la disponibilité des stations d’échange. Quelques stations peuvent suffire en zone urbaine, tandis que leur disponibilité restera limitée à une échelle territoriale plus grande.

Un deuxième sujet lié aux stations de remplacement est celui de la normalisation. Il est important d’assurer un bon niveau de standardisation entre opérateurs, ce qui n'est pas encore le cas aujourd'hui ; et chaque système de battery swapping a besoin de son propre réseau de stations.

La dernière contrainte, non des moindres, est celle du ratio de batteries par véhicule, car tous les véhicules sont en permanence équipés d’une batterie, et qu’il y a au moins une batterie chargée disponible dans chaque station de recharge pour effectuer le changement. Selon TELD, le plus grand fournisseur de services de recharge de véhicules électriques en Chine, une voiture électrique compatible avec le battery swapping a besoin de 1,3 batteries[4]. Cette augmentation de 30 % de batteries signifie aussi une hausse de 30 % des coûts liés à la batterie, très importants dans l’achat d’un véhicule électrique, mais également une hausse de 30 % de l’empreinte carbone liée à la fabrication de la batterie, un poste très émissif quand on regarde l’empreinte d’un véhicule électrique (environ 8 % de l’intensité carbone totale d’une voiture électrique de grande taille type SUV en France)[5].

Néanmoins, le système de battery swapping peut permettre de diminuer la taille des batteries des véhicules, car il permet une recharge quasi-instantanée et réduit fortement les craintes liées à l’autonomie et donc le surdimensionnement des batteries associé (sous condition d’un bon maillage des stations d’échange). Ce n'est cependant pas le cas pour le moment : les acteurs actuels du battery swapping, spécialement pour les voitures, se positionnent surtout dans les gammes de véhicule premium, avec des batteries de grande capacité.

 

Le « battery swapping » est-il l’avenir ? 

Quelles seraient les raisons de promouvoir davantage cette technologie, voire de la prioriser par rapport aux autres ? D’un point de vue strictement carbone, le battery swapping est intéressant s’il permet une réduction effective de la taille des batteries des véhicules d'au moins 30 % (l'impact de la construction des infrastructures d'échange de batteries étant équivalent à celui des bornes de recharges).

Cette technologie peut également aider dans certains cas à l’accélération de l’électrification des véhicules, par exemple pour les services de livraison ou de VTC, où le temps d’arrêt pour la recharge peut être coûteux, ainsi que pour les véhicules de 2/3 roues, pour lesquels le système de battery swapping est facilement déployable, les batteries étant économiquement très accessibles. 

Pour le reste des véhicules légers, la recharge lente à domicile ou sur le lieu de travail couvre déjà la majorité des besoins de mobilité quotidiens. La recharge rapide (autour de 150 kW), utilisée de manière ponctuelle pour les trajets longue distance suffit, rendant le système de battery swapping peu justifié. Ce dernier impliquerait une complexité en termes d’infrastructure et une augmentation du nombre de batteries en circulation, dans un parc déjà surdimensionné à cet égard. 

En revanche, pour les véhicules lourds à fort taux d'utilisation (ex : transport de marchandises) ou opérant dans des milieux isolés (ex : engins de chantier), le battery swap présente de réels atouts puisqu’il permet de réduire la taille des batteries embarquées, d’alléger les véhicules et donc d’optimiser la charge utile, tout en limitant les besoins en puissance de recharge instantanée pouvant dépasser 1 MW.

Si le développement du battery swapping reste incertain en Europe, il va continuer à jouer un rôle très important dans d’autres pays, notamment en Chine, où il va poursuivre sa forte croissance, en parallèle des systèmes de recharge conventionnels.

 


Transport
Carbone 4 Conseil
secteur du transport
véhicule électrique
Auteurs & autrices
Portrait de Carles Ponsa Sala
Carles Ponsa Sala
Consultant