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19 octobre 2023
Auteurs et autrices : Nicolas Meunier

Fin du monde vs fin du mois : comment faire d’une pierre 2 coups ?

En matière d’automobile, l’avenir est électrique. L’Union Européenne l’a acté en interdisant la vente de véhicules thermiques d’ici à 2035 (à quelques exceptions près). Cependant la promesse de démocratisation du véhicule électrique, avec une baisse des prix grâce aux effets d’échelle a du mal à se concrétiser

 

Pourquoi ?

Tout d’abord, les constructeurs automobiles répercutent le coût de la hausse de matières premières, des problèmes de logistiques liés à la guerre en Ukraine et la fin de la crise de semi-conducteurs. Il y a également la nouvelle norme européenne Global safety regulation II qui demande de nouvelles fonctionnalités de sécurité.

Et il y a surtout la stratégie des constructeurs européens de s’orienter vers le segment premium, en vendant moins de véhicules mais plus chers, afin de dégager une meilleure marge. [1]  Enfin, pour les véhicules électriques, il y a en plus : la course à l’autonomie qui ne cesse de se poursuivre, avec des tailles de batteries de 85-100 kWh pour atteindre 600-700 km d’autonomie et rivaliser avec les voitures thermiques, en augmentant également le poids des véhicules et l’empreinte carbone. [2] 

Dans ce contexte, le prix des véhicules électriques se maintient voire augmente, alors que le contexte d’inflation pèse sur le pouvoir d’achat. [3]  Le dilemme est désormais classique : la transition écologique concerne tout le monde mais reste un privilège réservé aux plus aisés.

 

Quelles solutions ?

Une réponse est de demander des subventions plus conséquentes, comme une augmentation du bonus écologique (donc répartir sur les contribuables ce prix qui augmente). Pourtant, ces mesures ne changent pas la réalité du coût des voitures électriques et sont non pérennes sur le temps long.

Une autre manière de baisser le prix est tout simplement de construire des voitures moins chères. Des voitures plus petites, avec une autonomie restreinte bien que suffisante pour 95% des trajets, et également plus low-tech et avec moins de personnalisation.

Un bon exemple est la Dacia Spring (groupe Renault), une voiture électrique de moins de 1 tonne (970 kg, vs 1 500 kg pour une Zoé), avec une batterie de 27 kWh (soit 3 à 4 fois moins que les derniers modèles présentés au salon de Munich), et relativement peu d’équipements à bord. C’est le seul modèle européen présenté à 20 000 € en entrée de gamme.[4] 

 

Et cela a aussi des avantages écologiques :

  • La batterie représente environ la moitié de l’empreinte de fabrication d’un véhicule électrique et ~35% de l’empreinte carbone totale en France, donc une taille raisonnable permet de réduire l’empreinte carbone.
  • Un véhicule plus léger et low-tech est moins énergivore.

L’avantage économique se conjugue donc à l’avantage écologique, qui est crucial. Car si la motorisation électrique en soi est décarbonante, cela ne suffit pas. Il faut cibler moins de voitures, plus petites, et avec des petites batteries, pour limiter l’impact carbone et surtout la demande en métaux comme le lithium, le cuivre, ou le nickel.

Et en plus de cela s’ajoute l’indépendance géopolitique ! Car si les constructeurs européens ont du mal à produire des petites voitures à moins de 25 000 €, les constructeurs chinois pourraient remplir ce créneau, qu’ils ont déjà investi sur leur marché domestique avec 30% de voitures à moins de 20 000 €. [4]  À tel point que l’Union Européenne a d’ailleurs lancé une enquête le mois dernier sur les subventions aux voitures électriques chinoises [5] , sans savoir pour le moment quels seront les répercussions.

Le nouveau score environnemental qui sera mis en place à partir de 2024 devrait conditionner l’octroi du bonus écologique français pour l’achat d’un véhicule électrique à une performance sur les émissions de fabrication, ce qui exclurait les véhicules produits en Chine. D’ailleurs la Dacia Spring, produite en Chine, ne devrait plus en bénéficier. [6]  Mais même sans le bonus écologique, les voitures citadines produites en Chine pourraient venir résoudre ce casse-tête de la transition vers l’électrique pour les personnes avec un pouvoir d’achat limité, ce dont nous parlions déjà lors d’un de nos précédent article…en prenant des parts de marché aux constructeurs européens. 

 

Conclusion

Alors, est-on nécessairement face au dilemme fin du mois versus fin du monde ? Oui, si on continue à faire miroiter des véhicules électriques obèses, avec une autonomie proche des véhicules thermiques, et logiquement hors de prix pour la plupart des ménages. Sans compter que ce n’est pas pérenne d’un point de vue d’extraction des métaux. Pourtant, il est possible de concilier les deux en se concentrant sur des petits modèles en répondant à l’essentiel des besoins de mobilité (et en couplant avec d’autres modes de transports pour les longs trajets), tout en dégageant une marge raisonnable, selon une étude récente de l’ONG Transport&Environment [7] . Sachant que si les Européens ne le font pas, les constructeurs chinois prendront la place. Citroën offre cependant un exemple d’espoir avec sa nouvelle C3 électrique produite en Slovaquie à 23 300 € (hors bonus écologique). 

Enfin, en gelant la taxe carbone depuis mi-2018, et en demandant à limiter le prix de l’essence (prix bloqué dans un tiers des stations-service françaises (Total) à 1,99€ jusqu’à fin 2024 ou vendu à prix coûtant dans les supermarchés [8] ), le gouvernement ne renforce pas l’argument économique pour passer à l’électrique. Que la hausse soit graduelle peut s’entendre, mais il faut qu’elle reste une hausse, pour donner une visibilité politique. Sans quoi, il est difficile de sortir du confort de la voiture couteau-suisse thermique.


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