Le score environnemental textile, un dispositif à anticiper
Alors qu’au niveau européen, les Product Environmental Footprint Category Rules – PEFCR – pour l’habillement et la chaussure viennent d’être publiés, et qu’au niveau français, l’affichage du coût environnemental des vêtements vient d’être validé par la Commission européenne, penchons-nous sur ces dispositifs d’éco-score, aussi appelés affichage environnemental ou coût environnemental.
💡 A retenir :
Si les deux cadres d’affichage environnemental – européen et français – ne sont pas parfaitement équivalents, leurs convergences sont notables. Les deux approches se sont nourries et se nourriront mutuellement, et si une coexistence des deux scores est à prévoir à court terme (à l’image de labels d’agriculture biologique), l’objectif est bien de tendre vers un score unique dans toute l’Union européenne.
De plus, si aujourd’hui ces deux scores ne sont pas contraignants, il est sans regret pour une entreprise de se pencher dès à présent sur le coût environnemental de ses produits, pour anticiper les exigences réglementaires et entreprendre une stratégie de transition. Les incertitudes sur la méthode de calculs ne font plus obstacle, les entreprises peuvent étudier leurs portefeuilles produits à l’aune de ces deux approches.
💡 Quelques définitions clefs :
- Affichage environnemental : Information visible sur un produit indiquant son impact environnemental global, destinée à aider les consommateurs à faire des choix plus durables.
- Coût environnemental : Évaluation des impacts d’un produit ou service sur l’environnement, tout au long de son cycle de vie.
- Éco-score : Indicateur qui évalue l’impact environnemental d’un produit selon plusieurs critères.
- Product Environmental Footprint (PEF) : Méthode développée par la Commission européenne pour évaluer l’empreinte environnementale d’un produit tout au long de son cycle de vie, selon des critères harmonisés.
- Product Environmental Footprint Category Rules (PEFCR) – Apparel & Footwear : Règles spécifiques au secteur textile et chaussure encadrant l’application de la méthode PEF pour garantir des évaluations cohérentes et comparables.
- Digital Product Passport (DPP) : Passeport numérique contenant des données essentielles sur l’origine, la composition, la réparabilité et la durabilité d’un produit, pour améliorer la transparence et la circularité.
- Ecodesign for Sustainable Products Regulation (ESPR) : Règlement européen visant à élargir les exigences d’écoconception à tous les produits afin d’en améliorer la durabilité, la réparabilité et la recyclabilité.
L’affichage environnemental
un outil efficace pour le régulateur…
Parmi les différents outils à disposition du législateur pour infléchir les comportements des agents économiques, donner aux consommateurs l’accès à de l’information figure en bonne place des dispositifs efficaces.
Prenons l’exemple du maintenant célèbre Nutri-Score, qui présente sur une échelle de A à E les qualités nutritionnelles d’un produit alimentaire. Cette nouvelle information a permis de modifier autant le comportement des consommateurs (la demande des produits notés A ou B a augmenté[1]) que le comportement des producteurs (l’offre pour obtenir des scores plus favorables a augmenté[2]).
Infléchir les comportements, c’est précisément l’un des objectifs de l’affichage environnemental pour les produits textiles qui est aujourd’hui en cours de construction. L’ambition est d’informer sur les impacts environnementaux d’un produit sur l’ensemble de son cycle de vie[3], pour transformer l‘offre – les producteurs favorisant l’écoconception pour obtenir un meilleur score – et la demande – les consommateurs diminuant la consommation des produits à fort impact.
mais un score synthétique par nature biaisé.
Si fournir un score synthétique a l’avantage de rendre plus lisible l’information, construire ce score synthétique, c’est toujours faire des choix méthodologiques. Ainsi, un score visibilise et valorise certains critères, en invisibilise ou dévalorise d’autres. Prenons l’exemple de la certification en Agriculture Biologique AB : cette certification valorise les exploitations qui n’utilisent pas d’intrants chimiques, réduisant l’impact sur la biodiversité, même si ces mêmes exploitations ont des impacts climatiques plus importants que l’agriculture conventionnelle du fait de rendements plus faibles.
La construction d’un score a donc des implications politiques, et cela explique que l’élaboration de l’affichage environnemental, au niveau européen ou au niveau français, ait pris du temps et ait nécessité la consultation de nombreuses parties prenantes.
Organisation de la gouvernance pour la construction de l’éco score français
Source : https://affichage-environnemental.ademe.fr/
Cela indique aussi que la lecture de cet affichage environnemental doit toujours s’accompagner d’une bonne compréhension de la manière dont il a été construit.
L’affichage environnemental textile, un sujet ancien.
Cette mise en contexte faite, intéressons-nous plus particulièrement à l’actualité de l’affichage environnemental pour le secteur textile. Ce secteur, dont les impacts environnementaux sont significatifs (entre autres : pressions sur la biodiversité, exploitation des ressources, impact carbone, pollutions, déchets), est l’un des premiers secteurs à avoir fait l’objet de réflexions sur l’affichage environnemental (avec les produits alimentaires, les produits électroniques, l’ameublement, l’hôtellerie, les produits de construction[4]).
Puis ces réflexions sur l’affichage environnemental textile ont accéléré :
- au niveau européen, grâce à la constitution dès 2019 d’un Secrétariat Technique afin de développer les Product Environmental Footprint Category Rules spécifiques au secteur Apparel and Footwear : les PEFCR A&F.
- au niveau français, grâce à la réglementation. Deux articles ont entériné l’affichage environnemental pour le secteur du textile :
- l’article 15 de la loi AGEC[5] de 2020, qui indique que « le dispositif d’affichage environnemental […] est rendu obligatoire, prioritairement pour le secteur du textile d’habillement. »
- l’article 2 de la loi Climat et Résilience[6] de 2021, qui remplace l’article 15 mais confirme que l’affichage environnemental s’appliquera « prioritairement pour le secteur du textile d’habillement ». Une phase d’expérimentation d’une durée maximale de cinq ans était prévue par l’article 2 de la loi Climat et Résilience afin de définir « la méthodologie à utiliser ainsi que les modalités d’affichage retenues »[7].
Les développements méthodologiques, au niveau européen et français, se sont entrelacés, les deux scores se nourrissant mutuellement. Penchons-nous justement sur les deux approches, leurs convergences et divergences.
Les principales caractéristiques des affichages environnementaux textile européen et français.
Les affichages environnementaux finalisés comportent plusieurs caractéristiques :
- D’abord, les scores prennent la forme non pas d’une échelle restreinte – comme le Nutri-Score – mais d’une valeur. Un tel format a une vertu : il rappelle au consommateur que chaque produit a un impact, un « coût environnemental » non nul. Un score sur une échelle, à l’inverse, risque « d’anesthésier » le choix du consommateur, qui peut être incité à une consommation excessive de biens notés favorablement, entraînant un effet rebond[8].
- Ensuite, les scores tiennent compte des impacts sur l’ensemble du cycle de vie du produit : il s’agit de quantifier les impacts du produit depuis les matières premières nécessaires à sa conception jusqu’à sa fin de vie, en passant par sa fabrication, son transport, son usage.
- Enfin, nous l’avons vu, la construction d’un indicateur synthétique est un enjeu politique important : quels critères environnementaux employer (donc rendre visibles ou invisibles), et comment les pondérer (donc les rendre plus ou moins prioritaires) pour aboutir à un score utile ? Deux approches différentes peuvent aboutir à deux résultats très dissemblables. Et de fait, si PEFCR A&F et éco-score français ont des points communs (intégration des seize critères génériques du PEF présentés ci-dessous, mais aussi d’enjeux de circularité et de durabilité), ils accusent aussi des divergences (par exemples, les facteurs de pondération diffèrent entre les deux méthodologies, l’éco score français intègre la pollution aux microfibres dans le calcul lorsque les PEFCR A&F demande une mention séparée de celle-ci, l’éco score français intègre l’export hors Europe dans le score, les PEFCR A&F non). Malgré ces nuances, rappelons la proximité entre ces deux systèmes, qui sont destinés à converger pour aboutir à un score environnemental unique au niveau de l’Union européenne.
Les seize critères du PEF
Source : https://green-business.ec.europa.eu/environmental-footprint-methods/life-cycle-assessment-ef-methods_en
Quelle suite pour l'affichage environnemental textile ?
Les deux méthodes ont franchi des étapes importantes à la mi-mai 2025 : les PEFCR pour l’habillement et la chaussure ont été publiées, et Agnès Pannier-Runacher a annoncé la validation de l’affichage du coût environnemental des vêtements par la Commission européenne.
Aujourd’hui, au niveau européen comme au niveau français, les dispositifs d’affichage environnemental demeurent volontaires. Ainsi, les entreprises européennes peuvent communiquer des résultats à des tiers (consommateurs finaux ou partenaires) sous réserve de vérification.[9] Pour la France, il est indiqué que “la voie est ouverte pour le déploiement [du dispositif] dès le second semestre 2025, toujours sur une base volontaire.”[10]
Notons toutefois que ces scores deviennent des références dans le paysage réglementaire. Ainsi, le PEF est-il mentionné comme méthode de référence dans le cadre du Digital Product Passport (DPP) intégré dans l’Ecodesign for Sustainable Products Regulation (ESPR), mais aussi dans le cadre de la Corporate Sustainability Reporting Directrice (CSRD) ou dans le cadre de la Green Claims Directive.
Dans ce cadre, pour une entreprise du secteur textile, il est sans regret de commencer dès à présent à structurer une compréhension environnementale de son portefeuille de produits. En effet, même si les dispositifs ne sont pas encore contraignants, l’ADEME recommande aux entreprises d’anticiper ces dispositifs d’affichage environnemental, d’abord pour étaler les coûts humains et financiers nécessaires à la mise en place de ce score, ensuite pour saisir les opportunités concurrentielles en favorisant dès maintenant l’écoconception pour améliorer ce score avant même qu’il ne soit obligatoire.
Carbone 4 sait aujourd’hui accompagner les entreprises dans cette anticipation de l’affichage environnemental, sur plusieurs plans :
- D’abord, notre cabinet est compétent dans l’évaluation d’empreinte carbone au niveau produit, sur l’ensemble de son cycle de vie. Nous dotons nos clients d’outils de diagnostic dont ils peuvent se saisir pour éco concevoir leur produit.
- Plus encore, nous accompagnons nos clients dans leur stratégie de portefeuille produits : outils d’évaluation et d’arbitrage, ateliers d’idéation pour construire un plan d’actions efficace, application aux réalités opérationnelles de l’entreprise.
- Enfin, Carbone 4 peut accompagner ses clients dans des Analyses de Cycle de Vie (ACV) plus spécifiques et multicritères, afin d’enrichir l’état de l’art sur des matières, des processus ou des produits encore mal évalués.
Anticiper les évolutions réglementaires incontournables permet de progresser dans sa compréhension des flux physiques sous-jacents à l’usage des produits textiles, de travailler à la durabilité de son portefeuille de produits, et de se questionner sur ses choix de matières.
Si vous souhaitez en savoir plus sur les enjeux d’affichage environnemental, les enjeux réglementaires, mais aussi sur les manières d’entreprendre une stratégie environnementale solide, n’hésitez pas à contacter les équipes de Carbone 4.
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