article
·
28 novembre 2023
Auteurs et autrices : Alexandre Joly

COP 28 : des raisons d’espérer ?

La COP 28 débute ce jeudi 30 novembre à Dubaï, aux Émirats arabes unis. Et les polémiques sont déjà nombreuses. Cette COP se déroule à l’épicentre de l’exploitation du pétrole et du gaz fossile mondial. Son président est le PDG de la compagnie nationale chargée de l’exploitation du pétrole et du gaz. A cela, s’ajoute le contexte des récentes crises géopolitiques internationales (guerre en Ukraine, conflit israélo-palestinien). Bref, un fiasco annoncé ! Mais n’est-ce pas un procès d’intention simpliste et stérile ?


Des polémiques qui occultent l’essentiel

Le lieu ? C’est une bonne chose que le lieu change à chaque COP pour résoudre un dérèglement climatique éminemment international, et les Émirats arabes unis sont une puissance régionale influente. 

Le président ? Il est avant tout un membre très haut placé de son État, signe que la COP est prise sérieusement.

Comme à chaque fois, la nouvelle édition de la COP est présentée comme un événement extraordinaire qui pourrait changer le destin de la planète entière. Mais depuis l’Accord de Paris en 2015, les Etats se sont déjà engagés à contenir le réchauffement climatique à au plus 2°C[1]. Dès lors, pas de grand soir dans une dizaine de jours, il faut agir vite et fort chaque année entre 2015 et la fin du siècle.

Alors oui, cette COP met le projecteur sur la production d’énergies fossiles, notamment le pétrole et le gaz. Et force est de constater qu’à ce jour les gouvernements prévoient, d’ici 2030, de produire 70% d’énergies fossiles en excès par rapport à un scénario 2°C[2].


 

Quantifier l'écart de production de combustibles fossiles au niveau mondial
Production Gap Report 2023; https://productiongap.org/wp-content/uploads/2023/11/PGR2023_web_rev.pdf

Qui est responsable ?

Premièrement, rappelons que 80% des réserves d’énergies fossiles dans le monde sont détenues par les entreprises nationales[3] (ex : Saudi Aramco, Gazprom, Petrobras). Le reste est détenu par des entreprises cotées (ex : TotalEnergies, Shell, China Shenhua Energy). Dès lors, les pays producteurs d’énergies fossiles, comme les Émirats arabes unis, sont, qu’on le veuille ou non, des acteurs incontournables pour construire le chemin vers la neutralité carbone planétaire.

Privées ou publiques, ces entreprises ne s’engagent globalement pas à réduire leur production d’énergies fossiles. Zoomons sur les entreprises cotées qui doivent rendre des comptes sur leur stratégie de transition énergétique : les résultats sont déplorables. Seulement 1% du chiffre d’affaires de TotalEnergies porte sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. C’est encore moins pour les autres majors pétrolières[4]. Les Occidentaux, représentés par ces super majors, n’ont vraiment pas de leçons à donner sur le plan de la production d’énergies fossiles.

Et puis, ne parler que de la production, c’est occulter tout le système qui en profite en aval. Les consommateurs d’énergies fossiles sont tout aussi responsables que les producteurs. La France n’a pas de pétrole[5] mais elle a des idées pour en consommer. Faites votre choix du côté des entreprises : constructeurs d’automobiles thermiques, installateurs de chaudières à gaz ou encore pétro-raffineurs. Et ce n’est pas mieux du côté du gouvernement. Rappelons que l'Etat français a été condamné pour ne pas avoir respecté ses engagements climatiques. Les Occidentaux n’ont pas non plus de leçons à donner sur le plan de la consommation d’énergies fossiles.

Finissons par la polémique entourant le cabinet de conseil McKinsey car elle en dit long sur les doubles discours du monde économique[6]. D’un côté, un certain nombre d’entreprises développent un discours sur la transition énergétique en développant quelques activités associées. De l’autre côté, elles continuent de développer sans limite leurs activités fossiles historiques. Ce double discours est dommageable car il entretient une illusion du « en même temps » alors qu’il s’agit bien de faire croître d’un côté, et de faire décroître de l’autre.

McKinsey n’échappe pas à cette règle avec de grands clients comme ExxonMobil ou Saudi Aramco. Dans le cadre de la COP 28, ce cabinet conseille gratuitement les Émirats arabes unis, et conclut qu’il serait possible de réduire la consommation de pétrole de seulement 50 % d’ici 2050 tout en respectant l’Accord de Paris. A la clé, des milliers de milliards de dollars d’investissements annuels dans le pétrole et le gaz. De quelle rigueur intellectuelle peut-on créditer ce cabinet occidental quand l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) affirme que, pour respecter l’Accord de Paris, les énergies fossiles devraient quasi disparaître d’ici 2050 ?

Des raisons d’espérer ?

Retenons que c’est le 1er bilan mondial depuis la COP 21 à Paris, et qui intervient après 2 années de préparation. L’objectif est d’évaluer les avancées et identifier les actions nécessaires pour se mettre sur la trajectoire de l’Accord de Paris (en matière d’atténuation, d’adaptation, et de financement). Toutes les dimensions de la question climatique sont passées au crible, avec une attention particulière à prendre en compte les priorités de tous les pays afin que chacun puisse rehausser ses ambitions d’ici 2025[7].

Il est évident que les pays producteurs d’énergies fossiles ont des intérêts économiques à maintenir leur rente. Quand bien même, les Émirats arabes unis entament un début (timide) de diversification vers les énergies bas-carbone, à l’image de la Norvège. Plus largement, les impacts du dérèglement climatique se ressentent de plus en plus fortement partout sur la planète. L’adaptation sera au cœur des discussions[8]. Pas de grand soir escompté mais un peu d’entraide de la part de l’Occident consommateur d’énergies fossiles serait bienvenu[9].